Une « histoire officielle totalement réécrit[e] qui ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France » (…) « La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle, assure-t-il, et qui dit : tout le problème, c’est la France. » (…) « Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs mais du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle. On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak l’a fragilisé. J’ai un bon dialogue avec le président Tebboune, mais je vois qu’il est pris dans un système qui est très dur. »
De tels propos tenus par le président français devant dix-huit jeunes gens issus de familles qui ont intimement vécu la guerre d’Algérie ne peuvent que déplaire au gouvernement algérien d’autant que le pays ne va pas vraiment bien. On peut même considérer que le rappel de l’ambassadeur puis l’interdiction de son espace aérien aux avions militaires français témoignent d’une colère légitime. Un signe convenu de mécontentement qui serait provisoire comme dans l’affaire franco-américano-australienne des sous-marins. Oui, mais on peut craindre que ce refroidissement ne soit pas temporaire.
L’Algérie, qui ne cesse de revendiquer un rôle de leader régional, de s’opposer au Maroc, de rappeler sa défense du droit international et des principes, s’agite d’autant plus qu’elle se sent faible, en grande difficulté intérieure. Gouvernée réellement par l’armée, elle utilise la force contre ses citoyens, contre le Hirak demandeur depuis février 2019 de liberté et de démocratie. La chute des prix du pétrole, la pandémie et, cet été, les incendies ont aggravé la situation et le mécontentement populaire. Des centaines de milliers d’emplois ont été perdus et l’Algérie est devenue le pays de la grogne face à la flambée des prix, aux pénuries alimentaires, à la paupérisation. Aujourd’hui, l’intersyndicale de l’éducation ne se souciait pas de la France mais de la régression effarante du pouvoir d’achat. Elle menaçait d’actions si ses exigences n’étaient pas satisfaites. Jusqu’ici présent les réponses du pouvoir sont faibles ou violentes. Dans tous les classements, le pays de Tebboune et de ses généraux est à la traîne dès qu’il s’agit de liberté. Les jeunes ne se voient pas d’avenir et n’ont qu’un rêve : partir.
En préparation
D’après la presse et les sites d’information, Alger songeait déjà au rappel de son ambassadeur avant les propos de Macron et préparait une série de sanctions à l’encontre de la France en raison de la réduction de moitié du nombre de visas. S’appuyant sur des « bonnes source », TSA ou algerie-dz.com indiquait que, selon Alger, la France, au système économique fragile et à la dette abyssale, « est loin d’être en position de force en cas de bras de fer ». L’Algérie, elle, peut diversifier ses fournisseurs et trouver d’autres débouchés à son gaz et à son pétrole. De plus, selon ces mêmes sources « tout indique que Paris, Rabat et Tel-Aviv sont de mèche même si les Français tentent de finasser en jouant plusieurs cordes simultanément comme dans le cas des excuses présentées aux harkis tout en rendant hommage aux victimes des rafles parisiennes criminelles d’octobre 1963 ». Il semble que les autorités algériennes ne veulent plus croire la parole française. Elle était naguère appréciée comme en février 2017 lorsque le candidat Macron a qualifié la colonisation de crime contre l’humanité. Ensuite, le président a multiplié les gestes d’apaisement mais les deniers dont le rapport Stora n’ont pas eu d’écho positif mais des critiques sur le manque d’excuses et de reconnaissance de « crimes coloniaux », sur l’absence d’information à propos d’essais nucléaires. Trois mois après la remise de ce rapport, un mois après la reconnaissance « au nom de la France », que l’avocat nationaliste algérien Ali Boumendjel a été « torturé puis assassiné » le 23 mars 1957, au plus fort de la bataille d’Alger, le ministre de l’Emploi Hachemi Djaboub affirmait que la France est « l’ennemi traditionnel et éternel ». Un propos qui revient souvent…
Que cherche l’Algérie ? Une fuite en avant pour détourner l’attention de la triple crise économique, sociale et politique qui traverse le pays ? Oui, mais peut-être plus. La stratégie de tension imposée par les généraux peut dégénérer, provoquer un affrontement avec le voisin marocain qui, lui non plus, ne cédera pas. La France, avec ce qui se passe entre le Mali et la Russie, devrait se poser la question du rôle d’Alger…
Et si Emmanuel Macron qui parle rarement pour ne rien dire, avait décidé de frapper fort pour débloquer la situation, forcer Alger à jouer cartes sur table ?