Des mots qui ne passent pas. En déclarant le 6 janvier, lors de la réception annuelle des ambassadrices et des ambassadeurs français à l’Élysée, que l’Afrique avait « oublié de dire merci » à la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, Emmanuel Macron s’est mis à dos une bonne partie du continent, qui juge ses propos au mieux maladroits, au pire paternalistes et méprisants.
Le président français assure que la France a eu « raison » d’intervenir militairement en Afrique « contre le terrorisme depuis 2013 ». Mais regrette le manque de gratitude des dirigeants des pays concernés, alors « qu’aucun d’entre eux », a-t-il estimé, ne serait à la tête d’un pays souverain aujourd’hui sans ces interventions. « C’est pas grave, ça viendra avec le temps », a-t-il aussi ironisé.
Des propos qui ont fait bondir les principaux concernés. Le Tchad, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, fait part de sa « vive préoccupation » après « l’attitude méprisante » d’Emmanuel Macron. Le ministre Abderaman Koulamallah rappelle « qu’il n’a aucun problème avec la France » mais considère que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain ».
Il rappelle d’ailleurs le « rôle déterminant » joué par l’Afrique en général, et le Tchad en particulier, dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales. Un engagement que « la France n’a jamais véritablement reconnu », souligne-t-il, ni « les sacrifices consentis par les soldats africains ».
La France serait « peut-être aujourd’hui encore, Allemande »
« En 60 ans de présence, la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien », critique-t-il également. Cette poussée de fièvre s’inscrit dans un contexte particulier de retrait militaire de la France, après la fin des accords militaires avec le Tchad.
Au Sénégal, le Premier ministre Ousmane Sonko a lui aussi déploré cette sortie de Macron. Il considère que « la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté ». Au contraire, ajoute-t-il, « elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel ». Lui aussi rappelle le rôle essentiel des soldats africains, « quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis » lors des deux guerres mondiales. Sans l’apport de l’Afrique, écrit Ousmane Sonko, la France serait « peut-être aujourd’hui encore, Allemande ». Une réponse pour le moins cinglante.