Un grand sourire barre son visage. Merrill Pittman Cooper, un retraité américain, est heureux. À l’âge de 101 ans, l’homme vient de recevoir, enfin, son High School Diploma, le diplôme de fin d’études secondaires, validant aux États-Unis un niveau d’études similaire à celui du baccalauréat. Cette distinction lui a été remise à titre honorifique, samedi 19 mars 2022, dans un hôtel de Jersey City (New Jersey). Le centenaire l’a reçue vêtu d’une toge mauve et coiffé d’un chapeau rectangulaire, comme cela se fait aux États-Unis aux cérémonies de remises de diplômes, avant de poser pour une photo souvenir. L’homme est donc officiellement diplômé, 84 années après avoir quitté le lycée, rapporte le quotidien américain The Washington Post.
L’histoire démarre en 1938, dans le village de Harpers Ferry, en Virginie-Occidentale. Le jeune Merrill Pittman Cooper est alors dans ce qu’on appelle la « junior year » au lycée : c’est l’avant-dernière année dans le secondaire, c’est-à-dire l’équivalent de la classe de première en France. Seulement voilà : sa mère, simple gouvernante, n’a plus les moyens de payer ses frais de scolarité. L’adolescent le sait, il ne pourra pas finir le lycée. « J’ai décidé que ce serait mieux d’abandonner l’école », dit aujourd’hui le centenaire. La ségrégation raciale est encore inscrite dans la loi aux États-Unis à cette époque, Noirs et Blancs n’ont pas les mêmes droits, et pour une famille africaine-américaine comme les Cooper, la situation est plus que difficile dans un État du Sud comme la Virginie-Occidentale. Alors mère et fils déménagent à Philadelphie, en Pennsylvanie. En 1945, le jeune homme est embauché comme conducteur de trolleybus. Merrill est d’ailleurs l’un des premiers Afro-Américains à occuper ce poste, dans la ville. Et cela ne se passe pas toujours bien, confie celui qui, lycéen, rêvait de devenir avocat, faisant allusion au racisme auquel il a été régulièrement confronté.
Il entame alors une carrière dans les transports publics, qui le verra devenir conducteur de bus puis s’investir dans le syndicalisme. Merrill est fier de sa trajectoire professionnelle. Pourtant, un regret est toujours là, dans un coin de sa tête, à le titiller : il n’a pas fini le lycée. Au fil des ans, il voit s’éloigner ce rêve qu’il avait de peut-être terminer un jour sa scolarité. « J’étais trop accaparé par mon travail, il fallait que je gagne ma vie », raconte-t-il.
L’histoire rebondit bien des années plus tard, alors qu’il est centenaire, grâce à son beau-fils, Rod Beckerink. Ancien professeur de sciences sociales, ce dernier a entendu Merrill raconter combien la vie quotidienne était difficile, pour un jeune Noir dans l’Amérique des années 1930. C’est Rod qui a mis sur pied cette cérémonie surprise, épaulé notamment par les autorités scolaires du comté où Merrill habitait quand il était lycéen. La conclusion du vieil homme, pas peu fier de s’être enfin vu décerner le diplôme ? « Même si ça a pris pas mal de temps, je suis très content de l’avoir enfin obtenu ! »