Il a arrosé le jardin d’Eden, irrigué Sumer et abreuvé Babylone. Mais dans l’Irak d’aujourd’hui, le Tigre se meurt.
Entre activité humaine et chamboulement climatique, l’agonie du fleuve menace d’emporter la vie qui s’y est implantée il y a des milliers d’années.
Dans ce pays de 42 millions d’habitants, aux sources de la civilisation et de l’agriculture, les désastres naturels ne se comptent plus.
Dès avril, les températures dépassent les 35 degrés Celsius et les tempêtes de sable s’enchaînent, recouvrant d’une pellicule orange humains, animaux et machines.
Vient l’été, la saison en enfer des Irakiens qui n’ont que leur peau pour transpirer quand la météo annonce 50 degrés et que l’électricité est coupée pour cause de délestage.
Sécheresses, chute des précipitations, températures en hausse et désertification galopante: l’Irak est devenu l’un des cinq pays au monde les plus exposés aux conséquences du changement climatique, disent les Nations unies.
Et le Tigre ? Il ne rugit plus. En raison du manque de pluie mais aussi des barrages construits en amont, en Turquie, où il prend sa source.
Un vidéaste de l’AFP a arpenté les rivages du fleuve, de la source au nord à la mer au sud, pour rendre compte du désastre qui contraint les habitants à changer leur mode de vie.
Les autorités irakiennes et les agriculteurs kurdes accusent la Turquie de retenir l’eau aux barrages construits en amont.
Les statistiques officielles le confirment: le niveau du Tigre, quand il arrive de Turquie, n’est cette année qu’à 35 % de la quantité moyenne qui se déversait en Irak au cours des 100 dernières années.
Plus l’eau est retenue, plus son débit se réduit et moins elle se déverse en Irak, le long des 1.500 km que parcourt le Tigre avant de fusionner avec son jumeau, l’Euphrate, pour former le Chatt al-Arab et tomber dans le Golfe.
Cet été, à Bagdad, le niveau du Tigre a été si bas que l’AFP a filmé des jeunes jouant au volley-ball au milieu du fleuve. L’eau leur arrivait à peine à la taille.