« Les gens tombaient au-dessus et ils écrasaient ceux qui étaient dessous, ils s’écrasaient les uns les autres… Les gens tombaient, jamais je ne pourrais oublier ce bruit sourd, les gens qui tombaient de partout », raconte un survivant bouleversé et encore hagard. « C’était un chaos de gens essayant de sauver leur peau tandis qu’ils s’écrasaient les uns les autres. (…) C’est l’un des incidents les plus difficiles que j’aie jamais eu à gérer. Ça m’a rappelé l’époque des bombardements», témoigne un secouriste. Cela devait être une fête, c’est devenu, avec au moins 45 morts, « l’une des plus graves catastrophes » de l’histoire d’Israël, a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu qui a appelé la population à « prier pour sauver les blessés ».
Des dizaines de milliers de personnes participaient dans la nuit de jeudi à vendredi à ce pèlerinage annuel dans le nord d’Israël, le plus grand événement public dans le pays depuis le début de la pandémie de Covid-19. Ce pèlerinage, qui a lieu à l’occasion de la fête juive de Lag Baomer, se tient à Méron, (Jarmaq pour les Arabes) autour du tombeau présumé de Rabbi Shimon bar Yochaï, un talmudiste du IIe siècle de l’ère chrétienne auquel on attribue la rédaction du Zohar, ouvrage central de la mystique juive. Lag Baomer est une fête joyeuse marquant le souvenir de la fin d’une épidémie dévastatrice parmi les élèves d’une école talmudique à cette époque.
On ne connaît pas encore les circonstances précises du drame, mais les récits concordent. Des pèlerins sont arrivés en masse pour passer dans un couloir étroit. « Davantage de gens sont arrivés, de plus en plus, de l’intérieur et des côtés. (…) La police ne les laissait pas sortir, donc ils ont commencé à être serrés les uns contre les autres, puis à s’écraser mutuellement », a raconté Shmuel, témoin du drame âgé de 18 ans. « On était en train de sortir, les gens avancent les uns derrière les autres, nombreux et serrés, puis le mouvement s’est arrêté », a commenté Zohar devant les caméras de la Douzième chaîne. « Et brusquement, on s’est tous retrouvés les uns sur les autres et il était impossible de comprendre ce qu’il se passait. J’ai alors levé la tête et j’ai vu la police qui bloquait l’entrée, j’ai crié qu’il y avait des gens qui étaient en train de mourir à côté de moi. »
Quand la police a mis fin à l’événement et tenté de faire évacuer les participants, certains ont refusé de partir, reprochant à la police de les empêcher de prier et invectivant les agents. Des barrages routiers ont été dressés pour empêcher de nouvelles arrivées. Depuis 2008, le Bureau du contrôleur de l’État (l’équivalent israélien de la Cour des comptes) alertait les autorités israéliennes sur les dangers du site et les manquements en matière de sécurité. En 2011, il mettait implicitement en garde contre le risque d’une catastrophe. D’autre part, les orthodoxes sont indisciplinés et peu respectueux de la police…
Le commandant de la police de la région nord Shimon Lavi a qualifié la nuit de « tragique », affirmant à la presse qu’il « endossait la responsabilité » de la catastrophe. Se disant « prêt à toute enquête », il ajoute: « Ce que je sais, c’est que des policiers ont sauvé des vies ici en prenant en risquant leur propre vie. »
Les autorités avaient permis la présence de 10 000 personnes dans l’enceinte du tombeau mais, selon les organisateurs, plus de 650 bus avaient été affrétés dans tout le pays pour l’événement, soit au minimum 30 000 personnes. La presse locale faisait état de son côté de la présence de 100 000 personnes sur place.