Pas de roquettes, pas de bombes: le cessez-le-feu est respecté même si à Jérusalem de nouveaux heurts ont éclaté ce vendredi après la prière entre fidèles musulmans, surtout des jeunes, et policiers israéliens. Ce genre d’affrontements, qui ont conduit au conflit armé qui se termine, ne fait pas partie du cessez-le-feu mais relève davantage de cette guerre interne qui menace l’Etat hébreu. Les raisons de la colère ne peuvent disparaître comme par enchantement. Aujourd’hui, comme hier et demain, les Palestiniens ont des droits. Aucune paix ne sera possible et durable tant qu’ils n’auront pas été reconnus et redonnés. Ceux d’Israël doivent également être respectés.
Ce cessez-le-feu, à qui le doit-on? Et qui a gagné, qui a perdu? Il a fallu dix jours pour que le président américain, qui n’avait pas prévu de s’occuper de ce lourd dossier, se réveille et agisse. Il a pesé sur Netanyahu, mais le mérite principal revient à l’Égypte, pratiquement le seul pays à parler aux deux belligérants. Appuyé par la France, l’Allemagne et aussi la Tunisie, membre non permanent du Conseil de sécurité, le président Sissi a proposé ce cessez-le-feu qu’il supervisera en envoyant sur place ses équipes. Si Joe Biden a fini par réagir, c’est aussi parce qu’il a constaté que son propre parti démocrate ne se satisfaisait pas de son inaction qu’elle jugeait coupable. Bernie Sanders a publié dans le New York Times une tribune intitulée « Palestinian lives matter ». L’Amérique change, elle n’est plus autant derrière Israël et estime que les Palestiniens ont des droits. Un premier acquis de ce conflit.
Benjamin Netanyahu se félicite d’un « succès exceptionnel ». Tous les objectifs ont été atteints: « 225 terroristes ont été éliminés dont des hauts commandants (…) Nous avons profondément neutralisé les capacités du Hamas, bien plus que ce qu’il n’aurait imaginé. Toute attaque de leur part, recevra désormais une réponse violente, plus rien ne sera toléré, nous leur avons déjà prouvé que nous pouvons les ramener des années en arrière » Cela dit, personne ne doutait de la puissance de l’armée israélienne, de sa haute technicité. Mais Israël n’avait pas imaginé que le Hamas maîtrise autant ses roquettes capables de frapper plus loin, de semer la peur,de faire fermer l’aéroport Ben Gourion.
Si Tsahal peut sortir vainqueur d’un affrontement, Israël a perdu la guerre des images. Le fort frappant le faible. Reconnaître à Israël le droit de se défendre est une chose, accepter de voir des innocents mourir en est une autre qui ne peut durer longtemps sans se retourner contre ce plus fort…
Politiquement, Netanyahu a remporté une victoire personnelle qui pourrait bien empêcher ses rivaux de former un nouveau gouvernement. Le clan anti Bibi s’est fracturé sous les roquettes. Les Palestiniens ne peuvent s’en réjouir…
Le Hamas, gagnant ou perdant? Même si c’est au détriment des civils qui souffrent sous son joug depuis des années, le mouvement islamiste a prouvé qu’il pouvait faire mal, qu’il fallait compter avec lui. En quelque sorte sa revanche sur Mahmoud Abbas, impuissant et ignoré qui a annulé les élections de peur de les perdre.
Au lieu de chercher qui gagne et qui perd, il semble plus important de s’attarder sur une réalité nouvelle qui émerge de ces dix jours cruels: l’unité citoyenne et populaire retrouve des Palestiniens. De Haïfa jusqu’au Liban, les Palestiniens, les Arabes israéliens ont fait cause commune et ont fait grève ensemble. Un réveil après des années de déceptions, de résignation. Si les Palestiniens veulent parler de victoire, elle est là. Un nouvel élan sur lequel bâtir.
Angela Merkel s’est dite favorable à des « contacts indirects » avec le Hamas. Il faudrait en effet multiplier les canaux, qui existent d’ailleurs déjà, et que les dirigeants islamistes comprennent que la guerre n’est pas la solution. La paix ne viendra que par la politique et la diplomatie. Ce conflit l’a peut-être rappelé et prouvé aussi qu’une période de calme finit toujours par s’arrêter.
Ce cessez-le-feu ne peut être une fin, doit être un début. Entendre Bourguiba…