Quand il est arrivé à la tête du parti communiste en novembre 2012, les capitales occidentales avaient le sourire: le nouveau patron de la Chine, ce Xi Jinping au visage avenant sera, prédisait les sinologues avertis, un « leader très faible » qui allait poursuivre l’ouverture au monde. Fils d’un compagnon de Mao, Xi Zhongxun, haut dirigeant exclu en 1962 puis réhabilité par Deng Xiaoping, ne promettait-il pas de « continuer à libérer la pensée »? L’optimisme n’a pas duré et les « avertis » ont commencé à s’interroger, une interrogation valable encore aujourd’hui : jusqu’où ira-t-il, jusqu’où osera-t-il défier le monde?
En octobre 2014, Xi Jinping a remplacé le petit livre rouge de Mao par son gros livre blanc, « La gouvernance de la Chine », recueil, analyse et commentaires de 79 de ses discours traduit en neuf langues et présenté solennellement à la foire du livre de Francfort. Un an plus tôt, le maître de Pékin, devenu président, avait lancé son pharaonique projet des « routes de la soie », outil de domination propre à satisfaire ses ambitions expansionnistes en commençant par l’Afrique asservie autant qu’aidée dans son développement. Depuis toujours, Xi rêve de tenir tête à ses voisins, à l’Amérique. Et, aujourd’hui, il sent sa Chine capable de le faire. Ayant modifié la constitution, il peut se maintenir à vie au pouvoir. Sur la place Tien an Men, dans son discours « urbi et orbi », il a flatté le nationalisme pour galvaniser ses troupes et inquiété le monde qui doit savoir que Pékin, sûr de sa force, ne reculera jamais. Taïwan, Hong Kong sont pour toujours territoires chinois.
Jusqu’où ira-t-il? Jusqu’au conflit? Et qui prendrait les armes contre la Chine? Guerre de mots, d’intimidation, de pouvoir économique… « Rival systémique », mais aussi partenaire, dit l’Europe de cette Chine qui s’impose. Pékin plaide pour le multilatéralisme, à condition de le contrôler. Comme Washington.
Pays aux près de 400 milliardaires, au million et demi de millionnaires en dollars, usine du monde, leader en intelligence artificielle, la Chine poursuit le rêve de son président. Dont le principal ennemi est sans doute intérieur. Xi Jinping reste un dictateur à la tête d’un régime totalitaire qui ne supporte pas la moindre contestation. Les cadres n’osent plus bouger, une partie de la jeunesse, de plus en plus frustrée et sans illusion, non plus. Les inégalités n’ont pas été réduites, même si la pauvreté a reculé… Demain, un réveil du peuple demandeur de libertés? Ou une évolution « pacifique » d’une Chine reconnue puissance mondiale qui acceptera des règles communes? Un « combo » des deux?