Enfermé dans une surdité politique implacable, Kaïs Saïd, un an et demi après son élection à la tête de la présidence de la république, semble être définitivement isolé. Isolé des institutions de la république, isolé du peuple qui l’a plébiscité, lui, pourtant, l’illustre inconnu et sans aucun passé politique. Isolé du monde étranger dans un pays ouvert, autant par vocation que par nécessité, sur le monde. Isolé de la réalité, tout simplement.
Or, un Président qui s’isole est la pire menace que puisse craindre un pays, car cela constitue la source de tous les dangers. Et quel danger pour une république que de voir ses institutions bloquées!
C’est pourtant ce qu’il vient de faire Kaïs Saïd en renvoyant à l’Assemblée des représentants du peuple(ARP) le texte de l’amendement de la cour constitutionnelle qui lui a été soumis par la présidence de de cette Assemblée quelques jours auparavant pour avis et signature.
Par quel argument le Président justifie-t-il ce rejet? Par l’argument, spécieux, que le délai de l’installation de cette cour constitutionnelle, fixé à une année après la promulgation de la nouvelle constitution soit vers 2015, n’a pas été respecté.
Ainsi donc, Kaïs Saïd répare une erreur par une erreur plus grande, un manquement par manquement plus grave, en sachant pertinemment que par son attitude il va bloquer l’achèvement de l’édifice constitutionnel initié par la Révolution. Il sait tout aussi pertinemment que cela va amplifier la crise que vit le pays qui l’y a lui-même plongé en refusant, depuis plus de deux mois de recevoir les nouveaux ministres pour la prestation de serment malgré leur obtention de la confiance de l’Assemblée le 26 janvier dernier, pour une prétendue suspicion de corruption qu’il n’a toujours pas étayée.
Mais que le pays s’enfonce dans la crise, que le dialogue proposé par la Centrale syndicale pour mettre les premiers responsables politiques en situation de se voir et de parler, reste en suspens, et que, conséquemment, la machine économique demeure en panne, que pauvreté continue d’avancer, que les réformes si nécessaires pour envisager un possible avenir pour ce pays…,de tout cela Kaïs Saïd n’en a cure apparemment. Seul l’assouvissement de son égo compte. Il se voit au-dessus de tout et de tous. Il se voit aérien, intemporel. Et dans le même temps il se sent menacé par ces terriens que sont ces politiciens et qui n ‘ont d’autres objectifs que de l’atteindre et lui nuire. Du reste, il n’en fait pas un mystère et vient de justifier son renvoi de l’amendement lors de déplacement à Monastir, par le fait qu’il considère que l’institution de la cour constitutionnelle n’a d’autre but que sa possible destitution. Allons donc Monsieur le Président, il n’y a pas que vous dans cette république tunisienne, et toutes et tous ne sont pas contre vous!
Mais pour le moment c’est vous qui êtes contre tous et empêchez ce pays de marcher.