Après avoir obstrué le remaniement ministériel et freiné le processus d’établissement de la cour constitutionnelle, le président Kaïs Saïd s’est attaqué cette fois au fondement même de la seconde république en visant sa constitution.
Le procédé, désormais bien rodé, est le même : utiliser les failles dans le texte de la constitution pour imposer une interprétation « personnalisée ».
La tactique est, elle aussi, la même: profiter d’une occasion nationale pour lancer l’offensive. L’occasion, cette fois, était trop belle pour être ratée. Et c’est texte de la constitution en main, l’air grave, le ton pathétique et donnant du poing sur la table pour ponctuer son discours, que le Président Kaïs Saïd a annoncé qu’il se proclamait désormais chef suprême de toutes les forces armées.
Traduction: le Président de la république n’est plus seulement chef suprême des forces armées, mais de tous les corps portant les armes, et à leur tête les forces de police.
On était donc tous, pendant 7 ans, dans l’erreur en pensant, sur la base de la constitution de 2014, que le nouveau régime politique quasi-parlementaire octroyait l’essentiel de l’exécutif au Président du gouvernement, plaçant ainsi le ministère de l’intérieur sous sa tutelle. Le vieux Caïd Essebsi n’avait donc rien compris?
En fait, et si l’on additionne des faits et des déclarations précédents du Président Saïd dont son affirmation plusieurs fois répétées que le pays n’a qu’un seul président, et que c’est lui-même, le renforcement des protocoles présidentiels, ses assauts contre les présidents du parlement et du gouvernement, son refus de tout dialogue avec les autres structures du pouvoir en place…force nous sera de conclure que Kaïs Saïd est en passe de succomber à la tentation présidentialiste et que son auto proclamation chef des toutes les forces armées s’apparente à vrai coup d’Etat.
Non pas un coup d’Etat constitutionnel, mais un coup d’Etat par interprétation de la constitution. Cela risque cependant d’être pour le moins compliqué. Ainsi, et alors que Rached Ghannouchi, Président du parlement a préféré s’abriter derrière le silence, Hichem Mechichi, Président du gouvernement a déjà lancé sa contre-offensive en présidant une cérémonie de décoration de cadres sécuritaires au ministère de l’intérieur.
Une rude bataille qui s’annonce. Une bataille dont la pauvre Tunisie n’avait vraiment pas besoin.