Spectacle rare mercredi au Parlement européen de Strasbourg où le Premier ministre hongrois Viktor Orban était venu présenter les priorités de son pays qui assure jusqu’à la fin de l’année la présidence du Conseil des ministres de l’UE.
Son discours avait bien commencé avec l’annonce de sa volonté de booster la compétitivité de l’UE face à la Chine et aux Etats-Unis, mais il a vite enfourché son cheval de bataille anti européen, affichant son opposition aux « élites européennes de la gauche et du centre » et renouvelant son but de transformer l’Europe car « l’Europe a besoin de changement ». Il a affirmé qu’il veut « être le catalyseur de ce changement ». Un objectif partagé par le Rassemblement national de Jordan Bardella, une partie des Conservateurs et réformistes européens (ECR) qui compte les députés italiens de Giorgia Meloni et le groupe Europe des nations souveraines.
Pour souligner leur désaccord avec les propos du Hongrois, des élus ont entonné le chant antifasciste Bella Ciao. Des sociaux-démocrates ont brandi des pancartes « Démocrates contre autocrates », d’autres, du groupe de la Gauche, proclamaient « pas d’argent pour la corruption ».
Dans leurs réponses à Viktor Orban, les députés n’y sont pas allés de main morte et l’ont accusé de violation de l’état de droit, de corruption, de harcèlement des opposants, de trop grande proximité avec la Russie. Il venait de plaider pour des négociations directes avec son ami Poutine sur l’Ukraine. Dure comme jamais elle ne l’avait été, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, lui a lancé : « certains rejettent encore la responsabilité de la guerre non pas sur l’envahisseur, mais sur le peuple envahi. Ils n’incriminent pas la soif de pouvoir de Poutine mais, mais la soif de liberté de l’Ukraine. Je voudrais donc leur poser cette question : est-ce qu’ils reprocheraient aux Hongrois l’invasion soviétique de 1956 ».
La Hongrie ne s’intéresse qu’à l’argent de l’Europe qui bloque actuellement 19 milliards de fonds pour manquement aux valeurs démocratiques européennes. A Bruxelles, des commissaires souhaitent activer l’article 7 du traité sur l’UE qui prévoit notamment la suspension du droit de vote. Pour Viktor Orban, il s’agit d’ « une intifada politique » basée sur « les mensonges de la gauche hongroise ».
Malgré les apparences, la Hongrie d’Orban n’est pas isolée. L’extrême droite a progressé en Europe et le groupe qu’il forme avec le RN français est le troisième du PE. Au total, les anti européens comptent autant d’élus que le premier groupe, celui, de droite, du Parti populaire européen, soit à eux deux plus de la moitié des 720 députés.
Si cette séance de mercredi a mis en évidence des divisions, elle a aussi montré la modification des équilibres issus des élections de juin. A Bruxelles, à Strasbourg, on guette, on craint des rapprochements, notamment sur l’immigration et la transition écologique.