Son parcours depuis qu’il a renversé Bachar Al Assad en décembre dernier est impressionnant et couronné hier par une réception à la Maison Blanche. En quelques mois, Ahmed Al Charaa, dont la tête était mise à prix 10 millions de dollars, s’est attiré les bonnes grâces d’une partie du monde. En mai, à l’initiative du prince héritier saoudien MBS, il avait serré la main de Trump à Riyad, il est venu à Paris, il est allé à Moscou et Berlin vient de l’invité.
S’il est entré à la Maison Blanche par une porte latérale pour une rencontre à huis clos sans déclaration officielle, la rencontre marque le retour de la Syrie dans le concert international. Une réintégration qui reste conditionnelle et correspond aux ambitions de Trump.
Bien sûr, les « amis » du président syrien le soutiennent afin d’assurer la stabilité de son pays et de la région et de participer à sa reconstruction. Selon la Banque mondiale, son coût dépasse 216 milliards de dollars et elle s’effectuera sous tutelle étrangère. Le Qatar, la Turquie, la France et les Etats-Unis ont déjà signé des contrats. Donald Trump entend surtout inscrire la Syrie dans sa recomposition du Moyen Orient avec Israël comme pivot et maître d’œuvre.
A Washington, Ahmed Al-Charaa s’est engagé à rejoindre la coalition internationale anti djihadiste menée par les Etats-Unis. Jeudi, le Conseil de sécurité de l’ONU avait levé les sanctions contre le dirigeant syrien, saluant dans une résolution préparée par les Etats-Unis l’engagement des nouvelles autorités à « lutter contre le terrorisme ». Les Etats-Unis prévoient aussi d’établir une base militaire près de la capitale. Une manière de mettre encore davantage l’Iran à l’écart, de faire reculer “l’axe du mal”.
A terme, Donald Trump veut que la Syrie rejoigne les accords d’Abraham, mais le Syrien refuse d’en discuter pour l’instant d’autant qu’Israël exige de lui la reconnaissance de l’annexion du Golan.
Al Charaa n’a pas encore gagné la confiance totale de ses nouveaux amis. Les sanctions ne sont levées que pour six mois et la « loi César » reste en vigueur. Elle prévoit des sanctions sévères contre toute entité ou entreprise coopérant avec le pouvoir syrien. Tant que le congrès ne l’aura pas abrogée définitivement, la reconstruction sera pratiquement impossible.
De plus, l’ancien jihadiste d’Al Qaïda ne contrôle pas totalement la Syrie . Il parle d’unité nationale, mais n’a pas les moyens de tenir ses promesses et ne discute , en fait, avec aucun camp, aucune communauté, ni les Kurdes, ni les Druzes, ni les Alaouites, ni les chrétiens. Il veut éviter une « guerre ouverte », mais l’EI, qui a tenté de l’assassiner, a repris des couleurs et continue de représenter une menace.
La vie demeure très difficile pour un grand nombre de Syriens.
Enfin, la sympathie du président américain envers Al Charaa sent le pétrole : les États-Unis visent à sécuriser de nouvelles routes énergétiques reliant le Golfe à la Méditerranée par la Syrie, contournant ainsi l’Iran et la Russie. Ainsi, Washington contrôlerait les routes commerciales régionales.
“Je l’aime bien », a déclaré Donald Trump après la rencontre, ajoutant : « nous ferons tout ce que nous pouvons pour que la Syrie réussisse ». Et que l’Amérique en profite largement…
