Les Tunisiens en sont désormais réduits à cela: attendre le jour d’une fête nationale et prier pour espérer voir se rencontrer les trois grands responsables de l’Etat.
Il y a quelques jours seulement, soit le 20 mars, ce miracle attendu depuis des mois, n’a pas eu lieu. Le 20 mars, pourtant, c’est la fête nationale par excellence pendant laquelle le peuple est censé célébrer l’événement le plus marquant de son histoire moderne en commémorant l’accession de son pays à l’indépendance.
Bien sûr, on peut toujours épiloguer sur le concept de l’indépendance et sa réalité aujourd’hui en rapport à la situation notamment économique du pays. Ce débat philosophique a prouvé depuis longtemps sa stérilité et son inutilité, et n’a jamais rien apporté d’intéressant à l’intelligence des générations qui jouissent, n’en déplaise aux esprits chagrins et autres pêcheurs en eaux troubles, de leur souveraineté sur le sol de leur pays libre. Et ça, c’est la seule vérité vraie. La seule qui vaille.
Aujourd’hui, 9 Avril, jour de célébration des événements qui se produisirent en ce printemps de 1938 et qui virent tomber sur le champ d’honneur des dizaines de martyrs arrosant de leur sang la graine de la liberté qui fleurira le 20 mars 1956, le miracle a eu lieu. Le Président de la République, accompagné du Président de l’Assemblée des représentants du peuple et du Président du gouvernement, a présidé une cérémonie au carré des martyrs, à Sejoumi, où il a déposé une gerbe de fleurs au pied du mémorial des martyrs et à récité la Fatiha à leur mémoire.
Pourquoi Kaïs Saïd commémore-t-il le 9 Avril et non le 20 Mars? L’indépendance politique n’est-elle pas le résultat de ces sacrifices au-dessus desquels se place l’acte du martyre? Et l’indépendance politique n’est-elle pas le commencement d’une nouvelle lutte ininterrompue pour l’acquisition plus complexe et sans cesse renouvelée des autres indépendances économique, culturelle, scientifique, monétaire, technologique, alimentaire…?
Il n’y a pas d’indépendance absolue. Pas plus d’ailleurs, que d’indépendancedéfinitivement acquise. Mais il y a un combat de tous les jours, de toujours.
En fait, et au-delà des disputes intellectualistes ou politiciennes, les Tunisiens ont aujourd’hui urgemment besoin de se réconcilier avec leur Histoire. Ils en ont besoin pour leur connaissance mutuelle, pour le renouvellement de leur sentiment d’appartenance, pour l’approfondissement de leur identité. Pour leur fierté.
Et c’est aux historiens de réaliser le travail permettant aux citoyens de s’approprier leur histoire. C’est à eux de libérer cette histoire nationale des récits hagiographiques donnant aux septiques de tout poil et autres semeurs de troubles des armes pour nous faire mal dans notre passé glorieux.
En attendant, prions pour que la rencontre des trois présidents qui ont entre les mains la destinée du pays se renouvelle pour le bien de ces Tunisiens qui n’en peuvent plus des disputes politiciennes qui empoisonnent leur quotidien et voient leur situation économique et politique, laissée à l’abandon, se détériorer chaque jour davantage.