La région de Kiev est « libérée » mais le retrait des soldats russes a laissé place à l’horreur qu’ils sont laissée derrière eux : la désolation à Irpin et l’insoutenable à Boutcha, aux portes de la capitale. Près de 300 cadavres de civils jonchaient les rues, certains les mains attachées dans le dos, signe manifeste d’une exécution. Dans une fosse commune creusée par les Russes,57 corps ont été découverts et, selon les secouristes, le bilan va s’alourdir. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie de commettre un « génocide » dans son pays pour éliminer « toute la nation ». « Oui, c’est un génocide. L’élimination de toute la nation et des gens, nous sommes citoyens d’Ukraine. Nous avons plus de 100 nationalités. Il s’agit de la destruction et de l’extermination de toutes ces nationalités », a-t-il déclaré dans un entretien avec la chaîne américaine CBS. « Et cela se passe dans l’Europe du XXIe siècle », a-t-il soupiré, dénonçant « la torture de toute la nation ».
Anthony Blinken, parle d’un « coup de poing à l’estomac ». « Nous ne pouvons pas normaliser cela », « cela doit s’arrêter », s’indigne-t-il sur CNN. Le patron de l’Otan Jens Stoltenberg insiste : « il est absolument inacceptable que des civils soient pris pour cibles et tués, et cela souligne l’importance de mettre fin à cette guerre. «Tous les dirigeants occidentaux partagent cette indignation. Il en sera question à Moscou où le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, est arrivé pour tenter d’arracher un cessez-le-feu humanitaire. La Russie affirme que les images de civils tués à Boutcha sont une fabrication de l’Ukraine. « Toutes les photos et vidéos publiées par le régime de Kiev qui témoigneraient de certains crimes de militaires russes dans la ville de Boutcha sont une autre provocation, affirme le ministre de la Défense russe. Quand les militaires russes étaient à Boutcha, aucun résident civil n’a subi d’actions violentes. »
«Nous ne devons pas être trop optimistes» car «nous redoutons une potentielle augmentation des attaques, notamment dans le Sud et l’Est» estime Jens Stoltenberg. En effet, le redéploiement des troupes russes laissent augurer d’une intensification des combats qui aurait pour but d’assurer la continuité territorial du Donbass jusqu’à Marioupol voire Odessa, sur la mer Noire, qui a été visée par des bombardements : « Odessa a été attaquée depuis les airs. Des incendies ont été signalés dans certaines zones. Une partie des missiles a été abattue par la défense aérienne », a écrit Anton Guerachtchenko, conseiller du ministre de l’Intérieur ukrainien, sur son compte Telegram. Le ministère russe de la Défense a affirmé quant à lui que des tirs de « missiles de haute précision à partir de la mer et de la terre » avaient détruit « une raffinerie et trois dépôts de carburant et de lubrifiants » près de cette ville.
Des experts militaires s’interrogent sur ce redéploiement et répondent que les forces qui étaient dan le nord et du côté de Kiev et qui ont subi des revers pourraient, au lieu de se déplacer vers le sud, être remplacés par d’autres soldats et nombre de combattants venus par exemple de Syrie et des membres de Wagner. Il semble que l’objectif central soit la prise ou la destruction de Marioupol, de vider la cité de ses habitants afin d’en faire une ville totalement russe. Si des habitants parviennent toujours à la quitter, l’évacuation programmée par la Croix-Rouge n’a toujours pas commencée tant la situation est volatile. Le réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius, 45 ans, a été tué en tentant de quitter Marioupol, a annoncé dimanche l’armée ukrainienne. «Les occupants russes ont tué le réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius, auteur du documentaire ‘Mariupolis’ (présenté au festival de Berlin en 2016) alors qu’il tentait de quitter Marioupol», a indiqué sur Twitter l’agence de presse du ministère ukrainien de la Défense. La mort du documentariste a également été annoncée par le réalisateur russe Vitali Manski, fondateur du respecté festival moscovite Artdocfest auquel Mantas Kvedaravicius avait déjà été convié. Il «a été tué aujourd’hui à Marioupol, caméra à la main, dans cette guerre merdique du mal contre le monde entier», a écrit Vitali Manski sur Facebook.
Les négociations, elles, vont reprendre ce lundi à Istanbul. Difficile de dire où elles en sont. Pas encore à un niveau qui permettrait un sommet Poutine-Zelensky disait-on samedi, mais ce matin, le négociateur en chef ukrainien a affirmé que Moscou a accepté « oralement » les principales propositions de son pays. « La partie ukrainienne a adopté une approche plus réaliste des questions liées au statut neutre et dénucléarisé de l’Ukraine », a affirmé de son côté le responsable russe des pourparlers, en précisant qu’aucun projet d’accord n’était encore prêt.