S’il faut un exemple pour illustrer l’ambiguïté politique érigée aujourd’hui en principe d’existence pour nombreux de nos acteurs politiques, on n’en trouvera pas mieux que le bloc parlementaire d’Al Islah (la réforme ).
Regroupant quelques quinze députés, transfuges de partis politiques tels que le « Nidaa » du feu Béji Caïd Essebsi, « Al Machrouaa » de Mohsen Marzouk, « Al Badil » de Mehdi Jemaa, « Afek »de Fadhel Abdelkefi et d’un ou deux parlementaires indépendants, ce bloc parlementaire est un bric-à-brac idéologique. Réuni par une vague orientation « centriste », il est en fait l’illustration de la limite d’une loi électorale complètement dépassée par la realpolitik des intérêts immédiats, et devenue le premier danger pour la stabilité du pays et l’obstacle majeur à son développement démocratique et économique.
C’est que, en empêchant l’apparition d’une vraie majorité de gouvernement, l’actuelle loi électorale pousse vers la création de groupes d’intérêts. Des sortes d’échoppes sans ancrage dans la société réelle puisque naissant in vitro dans l’enceinte du parlement et non de la lutte politique ou sociale, et entre lesquelles s’effectue un « tourisme » permanent selon le climat et les gains promis.
Peu importe dès lors les valeurs fondatrices de la politique, la vraie. Celles de la fidélité, de la constance, de la clarté.Celle surtout de la cohérence.
Le bloc Al Islah, démentant l’espoir qu’il avait suscité lors de sa création au début de la législature en 2019, a vite versé dans une incroyable incohérence rendant incompréhensible aussi bien la démarche que ses objectifs.
Voyez plutôt. Ce bloc qui prônait la démission du président de l’Assemblée avait fini en juillet dernier par choisir son maintien. Votant ensuite pour le remaniement ministériel de Hichem Mechichi en janvier et confirmant ainsi son affiliation à la majorité parlementaire dite « ceinture politique du chef de gouvernement », le bloc se prononce aujourd’hui pour remettre sur la table la question de retrait de confiance du président de l’Assemblée.
Allez donc comprendre!
Pour expliquer cette attitude vacillante et cesse hésitante, certains avancent l’argument de l’inconsistance et de manque de maturité politique. Les plus avertis pointent du doigt, quant à eux, la personnalité inconstante et versatile du président du bloc, Hassouna Nasfi. Ancien cadre du RCD, il a rallié Caïd Essebsi après la révolution, pour le quitter ensuite au profit du parti de Mohsen Marzouk, qu’il laissera pour la création du bloc Al Islah, mais sans rendre publique son départ, Nasfi semble être dans un état de calcul permanent, un œil sur la bourse politique du jour, un autre sur ses petites affaires.
Bon orateur pourtant, ayant une prestance naturelle, il est en train de gâcher ses chances de s’imposer comme une figure de sagesse et réconciliation qui fasse la synthèse du passé et du présent. Justement, disent ses détracteurs, c’est parce qu’il est assis entre l’avant et l’après révolution qu’il fait preuve d’autant d’incohérences donnant à son bloc l’allure d’aller dans tous les sens, sans but sûr ou précis.
Mohcen Lasmar