Elles ne sillonnent plus les rues et les quartiers populaires. Leurs « mélias » bariolées n’égaient plus le paysage morne des villes. Plus personne ne les entend crier d’une voix qui chantonne « Deggaza ! deggaza ! ». Finie l’époque où, s’appuyant sur le prénom de la personne interrogée et sur celui de sa mère, elles lisaient le présent et l’avenir en fonction des attentes des uns et des autres. En fines physiognomonistes, elles tenaient aux femmes mariées, aux jeunes filles et aux jeunes garçons des propos qui coïncidaient parfaitement avec leurs craintes ou leurs espoirs. Plus personne ne s’offrira le plaisir de leur demander de transmettre un message oral codé à un voisin ou à une voisine moyennant une obole.
Mais est-ce à dire que le métier de diseuse de bonne aventure a bel et bien disparu ?
Le besoin de s’entendre dire des prédictions relatives à son avenir et des affirmations au sujet de ce que cacherait le présent est toujours vivace chez l’être humain, même si l’on sait parfaitement que cela n’a rien de scientifique ni de logique. Le succès que continue à avoir l’horoscope en est la preuve tangible. Il en est de même pour le marc de café qui intéresse toujours plus d’un.
La société mercantile s’est emparée de tout, même des pratiques traditionnelles les plus élémentaires. Sont aujourd’hui diseurs de bonnes aventures les réseaux sociaux et compagnie. L’utilisation qu’ils font des technologies modernes offre aux balivernes qu’ils nous racontent un caractère sérieux. Même les plus rationalistes des rationalistes publient sur leur mur ces racontars.
C’est sans pour cela que tout le monde joue au p.c. et à la souris.