« Le massacre de masse est devenu la signature des Russes » s’est écrié cet après-midi Volodymyr Zelensky, en visioconférence, devant le Conseil de sécurité de l’ONU. « Les pires crimes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » ont été commis à Boutcha Les Russes ont commis des exécutions sommaires, ils ont tirés sur des femmes, approchaient des maisons et tiraient sur tous ceux qui sortaient… Tout ce que veut la Russie, c’est soumettre nos villages et nos villes. Aujourd’hui, l’ONU autorise cet agresseur à propager la mort. » Se sentant abandonné par l’ONU, le président ukrainien a posé la question « Où est le Conseil de sécurité ? Où est la paix au nom de laquelle a été créée l’ONU ? Où est son action ? Qu’est-ce qui a été fait par rapport au massacre de Boutcha ?” Et il ajoute : »Vous savez parfaitement ce que répondront les responsables russes lorsqu’ils seront incriminés. Ils vont accuser tout le monde, ils vont diffuser une multitude de versions, des soupçons (…) Nous avons la possibilité de mener des enquêtes sur le terrain, nous souhaitons que toute la vérité soit faite. Chaque pays membre de l’ONU doit agir, c’est dans son intérêt. » Il faut que la Russie rende des comptes, soit « tenue responsable » pour « les pires crimes de guerre » depuis la Seconde Guerre mondiale et soit privée de son droit de veto.
Volodymyr Zelensky a dit sa crainte de découvrir d’autres massacres dans les villes et villages quittés par les forces russes. Notamment à Borodianka.
Des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) se sont rendus sur place. Ils décrivent une ville méconnaissable, dont les bâtiments, immeubles et maisons, ont été éventrés ou complètement détruits. Bien que le bilan humain ne soit pour l’heure pas encore défini à Borodianka, la destruction est là, à perte de vue. L’AFP n’a vu aucun cadavre lors de son passage, mais les habitants affirment que plusieurs de leurs voisins ont été tués. « Je sais que cinq civils ont été tués », a assuré Rafik Azimov, 58 ans. « Mais nous ne savons pas combien d’autres sont abandonnés dans les sous-sols des bâtiments après les bombardements. » « Personne n’a encore tenté de les faire sortir, donc on ne sait pas », ajoute-t-il. D’autres parlent également de personnes coincées sous les décombres des constructions détruites.
Moscou nie toujours « catégoriquement » les accusations et veut présenter aux Nations unies des « documents » montrant, selon elle, la « vraie nature » des événements à Boutcha, a annoncé son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Cependant, des images satellite publiées hier par la société américaine Maxar Technologies réfutent les affirmations russes selon lesquelles les cadavres de personnes trouvés dans la ville ukrainienne de Boutcha y ont été placés après que les troupes russes ont évacué les lieux. Sur ces images « haute résolution », il apparaît que les corps « étendus dans les rues et abandonnés » sont présents depuis « plusieurs semaines ».
La très officielle agence de presse RIA Novosti a publié une tribune sidérante de Timofeï Sergueïtsev, un « penseur » conservateur proche de Poutine qui traduit le sentiment d’une bonne partie de la population non informée, intitulée : « Que faut-il faire de l’Ukraine ? » Le texte est un appel à l’éradication : de ceux qui, en Ukraine, ont porté les armes, des « nazis passifs » qui les ont soutenus, de « l’élite bandériste » (nationaliste), « impossible à rééduquer », de l’identité ukrainienne « artificielle » et jusqu’au nom de l’Ukraine… Postulat de départ : « La dénazification implique inévitablement une déukrainisation. »
Alors qu’on ne sait toujours pas quels sont exactement les buts de la guerre de Poutine, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg a affirmé que la Russie se renforce pour « prendre le contrôle de l’ensemble du Donbass », dans l’est de l’Ukraine, et réaliser « un pont terrestre avec la Crimée » « Nous sommes dans une phase cruciale de la guerre », a-t-il averti au cours d’une conférence de presse à la veille d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance. « Les troupes russes ont quitté la région de Kiev et le nord de l’Ukraine. Vladimir Poutine déplace un grand nombre de troupes vers l’Est en Russie. Elles vont se réarmer, recevoir des renforts en effectifs, car elles ont subi beaucoup de pertes, et se réapprovisionner pour lancer une nouvelle offensive très concentrée dans la région du Donbass », a-t-il expliqué. « C’est dans cette région que la plupart des forces ukrainiennes sont concentrées », a-t-il souligné. « Le repositionnement des forces russes va prendre un certain temps, quelques semaines, avant le lancement d’une offensive majeure. Il est essentiel que les alliés soutiennent les Ukrainiens, les aident à se réarmer, pour leur permettre de se défendre », a-t-il insisté.
Des livraisons d’armes sont en cours et les Européens sont aussi en train de prendre de nouvelles sanctions qui seront les sixièmes depuis le début de la guerre. La Commission européenne a proposé mardi aux Vingt-Sept de durcir les sanctions contre Moscou, en arrêtant leurs achats de charbon russe, qui représentent 4 milliards d’euros et 45 % des importations de l’UE, et en fermant les ports européens aux bateaux opérés par des Russes.
Bruxelles propose également une interdiction totale des transactions pour quatre banques russes-clés, dont VTB, la deuxième plus grande banque russe, et d’interdire pour 10 milliards d’euros d’exportations d’équipements et composants industriels cruciaux vers la Russie, comme les semi-conducteurs avancés. « Nous travaillons également sur des sanctions supplémentaires, y compris sur les importations de pétrole », a ajouté la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Après la découverte d’un grand nombre de corps dans la région de Kiev, « il faut clairement accroître encore notre pression » sur Moscou, a estimé la présidente de la Commission.
Ursula von der Leyen se rendra « cette semaine » à Kiev, accompagnée du chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a annoncé mardi son porte-parole. Ce déplacement suit de quelques jours la visite à Kiev de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.
Plusieurs pays européens ont aussi décidé d’expulser des diplomates, 150 au total. Le Kremlin dénonce un « manque de clairvoyance qui va compliquer davantage » les relations entre la Russie et l’Union européenne.De son côté, Vladimir Poutine a proposé de « surveiller » les livraisons alimentaires vers les pays « hostiles » au Kremlin. « Cette année, sur fond de pénurie alimentaire mondiale, nous allons devoir être plus attentifs aux livraisons alimentaires à l’étranger et surveiller en particulier les conditions de ces exportations vers les pays qui mènent contre nous une politique hostile », a-t-il affirmé, lors d’une réunion retransmise à la télévision publique.