Quitte à se faire l’avocat du diable, l’acharnement médiatico-politique dont fait objet depuis voilà une semaine, l’ancien Président de la république, Moncef Marzouki, me paraît par trop excessif, immodérément méchant, en plus d’être totalement contre-productif. Il dénote par ailleurs d’un état de crise morale générale dans laquelle s’est enfoncé le pays et à travers laquelle on cherche la victime expiatoire. Et cette victime c’est aujourd’hui Marzouki qui l’incarne. C’est même la victime idéale, un Judas parfait, qui trahit le pays à la destinée de laquelle il présidait il y a quelques années à peine.
UNE ATTAQUE MASSIVE
Aller demander à un parti étranger, qui plus est l’ancienne puissance coloniale, d’arrêter son aide au régime en place dans son pays, quelle pire trahison?Et comme si l’on attendait que cela, acteurs politiques, leaders syndicaux et surtout une presse comme heureuse de retrouver ses vieux réflexes unanimistes d’avant la Révolution, lancent aussitôt une attaque massive qui prend vite l’allure d’un énorme défoulement. Un véritable bashing où tout y passe: insulte, dénigrement, rabaissement…
Et Marzouki a beau tenter de crier à la désinformation et de poster la vidéo de son discours incriminé pour prouver qu’il a visé le Président Saied et non la Tunisie, rien n’y fait. C’est le traître. C’est le suppôt des puissances étrangères.Les choses ne s’en sont pas restées là, puisque Ministère des affaires étrangères, Syndicat des diplomates et même le Président de la république se joint à la bataille contre l’ancien Président ? Dans quels buts et pour quels résultats?
Si le but de toute cette agitation est de faire taire Moncef Marzouki, c’est raté. On vient de lui fournir une occasion d’or pour devenir le porte-parole de l’opposition contre Kaïs Saied et d’être le tribun de la contestation du coup de force du 25 juillet. Mieux encore, on l’a sorti de l’ombre de l’oubli à la lumière de l’actualité. On l’a réhabilité par là où l’on a voulu le déchoir.
Le but était-il de le déconsidérer auprès de interlocuteurs étrangers? Encore raté. Car la violence de la campagne menée tous azimuts contre lui s’est retournée contre ses auteurs et lui a valu de nouveau la sympathie et le soutien de l’opinion étrangère.
SE PLACER DANS LE SENS DE L’HISTOIRE
Je ne fais pas partie des partisans de Moncef Marzouki. Je ne lui ai pas épargné ma critique quand il était à la tête du pays, et notamment sur le dossier syrien dans lequel il imprudemment et dangereusement impliqué notre pays.Mais ses nombreuses fautes de Président n’excluent pas ses mérites de courageux militants pour la démocratie et les droits de l’homme. Cela ne peut s’oublier et ceux qui aujourd’hui appellent au retrait de son passeport diplomatique ou la suspension de son traitement non seulement se couvrent de ridicule mais de renforcer son image et de la rehausser à l’étranger particulièrement auprès de nos principaux partenaires.
Malin, d’autres diraient simplement intelligent, l’ancien Président persiste et signe et va jusqu’à s’enorgueillir d’avoir participé au report du Sommet de la francophonie. En fait, il sait qu’il s’est placé dans le sens de la marche du train de l’histoire et qu’il a de toutes façons raison en se s’opposant aux mesures exceptionnelles du Président Saied. Car pour le moment, il est plus facile de démontrer que ce qu’a fait l’actuel Président est un coup d’Etat, que de prouver que ce qu’a déclaré l’ancien Président est une trahison.
Par Mohcen Lasmar