Quand va s’arrêter ce spectacle?
L’homme dit-on est un animal qui s’habitue.
Si cela était vrai, l’homme tunisien serait alors un animal exemplaire.
Imaginez le spectacle auquel ce tunisien a régulièrement droit de ceux qui le gouvernent depuis le sommet de l’Etat. Le Président de la République et le Chef du gouvernement -excusez du peu-s’adonnent depuis voilà plus de sept mois à un drôle de spectacle. Quelque chose entre « Ubu roi » et « Tom et Jerry ».Soit donc quelque chose qui se situe entre l’absurde et le risible, entre le déraisonnable et le burlesque.
Le dernière représentation de ce spectacle a démarré, mardi, jour de l’Aid, avec le limogeage du ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, pour cause de mauvaise gestion de crise de la pandémie.
Le ministre démis, voilà le Président de la république qui monte au créneau pour le défendre.Il le reçoit au palais de Carthage et fait savoir dans les termes les plus virulents sa désapprobation. Kaïs Saïd décharge sa bile sur le Chef du gouvernement Hichem Mechichin qu’il accuse, sans le nommer de s’adonner à une véritable épuration visant les ministres considérés proches de Carthage.Il utilise pour cela la télévision publique et site officiel de la Présidence qui retransmettent sa vocifération digne d’une bagarre dans un quartier populaire. Pour lui répondre, le Chef du gouvernement effectuera une visite dans les régions éloignées du gouvernerait de Bizerte où il promettra que les pouvoirs publics viendront vacciner les citoyens où qu’ils trouvent. Sous-entendu: la vaccination n’est pas l’affaire du Président de la république (qui avait annoncé confier cette responsabilité à l’armée dont il est constitutionnellement le chef suprême), mais du gouvernement.
Avant l’épisode du ministre de la Santé, il y a eu celui du ministre de l’Intérieur, celui du président de l’Instance de la lutte contre la corruption et d’autres encore.
On tourne en rond avec le même spectacle qui peut s’intituler « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ».Avec un président de la république qui ne démord pas et continue de refuser de reconnaître le gouvernement depuis le remaniement de janvier, et un chef du gouvernement qui tient mordicus à aller de l’avant avec son équipe gouvernementale.
On joue au jeu de celui qui craque le premier. Tout cela bien sûr dans le respect de la Constitution que chacun, en l’absence de la Cour constitutionnelle, interprète à sa guise et selon son propre intérêt.
Ce bras de fer ridicule et absurde entre les deux chefs de l’exécutif, outre qu’il fait perdre un précieux temps au pays, crée un climat pourri propice à tous les pires scénarios.
Il entraîne la perte de confiance dans les politiciens et l’action politique, ce qui menace gravement la fiabilité du projet démocratique et sa pérennité, et prépare le terrain à la montée des groupes et des mouvements extrémistes qui s’imposent au choix d’un électorat exaspéré.
Quand donc pareil spectacle va-t-il s’arrêter? Il n’amuse plus personne. Et l’on n’est pas près de s’y habituer.
Mohcen Lasmar