La décision prise par le Président du gouvernement d’ouvrir les espaces culturels au public est, et à plus d’un titre, une bonne décision.
D’abord parce qu’elle répond à la demande pressante des acteurs du monde des arts et du spectacle touchés eux aussi, mais encore plus eux que d’autres, par les effets du confinement dus à la propagation de la COVID-19. Ce sont des dizaines de milliers de femmes et d’hommes vivant de leurs activités artistiques, des chanteurs, des musiciens, des acteurs de théâtre ou de cinéma; mais aussi des propriétaires ou exploitants de salles de cinéma, de théâtre ou même de fêtes de mariage qui se sont retrouvés sur le carreau, au chômage sans activité et sans ressources.
Ensuite, et respectant les règles du protocole sanitaire en vigueur, la reprise des activités culturelles va permettre de remettre un peu de vie dans le cœur de nos villes endolories par la désertion imposée des arts et des artistes. Car il faut bien le dire, rien n’est plus triste et désespérant qu’une ville sans culture et sans créations artistiques. Et notamment sans ce que l’on appelle aujourd’hui les spectacles vivants qui impliquent la coprésence des créateurs et des publics. La présence active des professionnels de la création ne sont pas seulement la preuve que nous vivons-et non seulement que nous existons- mais aussi que nous nous projetterons dans l’avenir, que nous rêvons, que nous espérons…, bref que nous refusons la médiocrité et ce dont la nature a horreur: le vide.
Par ailleurs et avec l’annonce des pandémies et autres catastrophes à venir pour cause de changements climatiques et dont la Covid-19 ne serait, semble-t-il, et selon les scientifiques les plus sérieux, que le début, la culture est appelée à être une « source essentielle de résilience, de réconciliation et de cohésion sociale pour les villes et les communautés », affirme l’Unesco. Dans son fameux Cadre Cure élaboré en 2018 en collaboration avec la Banque mondiale, l’organisation mondiale de l’éducation et de la culture, et tout en rappelant qu’une ville n’est pas seulement un ensemble de bâtiments et de constructions, met en avant le rôle de la culture comme « pont transversal qui relie trois dimensions fondamentales du développement urbain durable: l’humain, l’environnement et les politiques ».
Il faut donc travailler dans nos villes à faire le passage du patrimoine bâti au patrimoine vivant. Ce qui signifie qu’il faut investir dans les industries culturelles et créatives. C’est à cette condition, et uniquement à cette condition que nos villes qui absorberont aux horizons des années 2050 plus de 80% de notre population, seront viables et vivables et que les citoyens qui y vivront auront un sentiment d’appartenance commune et de solidarité effective. La culture leur procurera la capacité de résister aux catastrophes et de mieux s’entraider pour s’en sortir. Elle leur offrira les moyens de cultiver le beau, le bien et le vrai.
Oui, une chanson peut faire se rapprocher les Tunisiens mieux que tous les discours politiques. Oui, une image peut faire vibrer à elle seule le peuple. Et l’on a vu la disparition du poète Ouled Ahmed soulever un élan de cœur national qu’aucun autre événement n’a réussi à faire. Car on est bien d’accord, face à cette déferlante de vulgarité, de médiocrité, de petitesse, de manque de goût et d’irresponsabilité…seule la beauté peut encore sauver notre pays?