Attention, ça commence à clignoter rouge!
Dimanche 23 mai, une retentissante affaire de « coup d’Etat constitutionnel »révélée Middle East Eye, a pris de court l’opinion publique et l’a mise sens dessus dessous. Le démenti dédaigneux du Président de la république, présenté comme l’instigateur de ce prétendu coup d’Etat préparé par ses proches collaborateurs et visant à réunir tous les pouvoirs entre ses mains après neutralisation du Président du Parlement et le et du Gouvernement, n’a pas totalement convaincu. Encore moins mis fin aux spéculations de toutes sortes qui ont continué d’enfler. Et ce d’autant plus qu’Ennahdha, premier parti politique représenté au Parlement, a demandé officiellement l’ouverture d’une enquête.
Aujourd’hui c’est un autre sujet qui vient aggraver l’état d’anxiété de cette opinion publique déjà bien éprouvée par la pandémie de la Covid-19 et une situation économique critique.
Pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie indépendante, un collectif d’officiers militaires (à la retraite)viennent d’adresser-tout en la rendant publique-une lettre ouverte au Président de la république, par ailleurs Commandant suprême des forces, l’appelant à assumer ses responsabilités constitutionnelles et réunir tous les acteurs de la scène politique en vue de mettre fin à la récession économique et pousser le pays à aller de l’avant.
Certes, les attendus aussi bien que les attentes exprimés dans la lettre ne sont pas nouveaux, mais ce qui l’est par contre, c’est que ce soit des officiers militaires qui les formulent publiquement. Même à la retraite, les dirigeants de notre armée nous ont toujours habitués à la discrétion, méritant ainsi leur appartenance à ce que l’on a coutume d’appeler « la grande muette ».Que signifie alors cet écart par rapport à ce qui est considéré comme une norme?
Que d’abord c’est le ras-le-bol face à l’indolence phénoménale dont a fait preuve jusque-là le Président de la République et que, il y a désormais de l’électricité dans l’air.
Que les droits que lui confère la Constitution, ne dispensent pas le Président de la République de ses devoirs, au premier chef desquels « le maintien de l’unité de l’Etat », comme le rappelle, à juste titre, cette lettre.
Que, rappelant l’affaire du coup d’Etat constitutionnel évoqué précédemment, tout devient possible et plausible dans le pays, même les scénarios les plus invraisemblables. Surtout les scénarios invraisemblables.
La nature a horreur du vide, et le Président Saïd a joué la carte du grand vide en disant non à tout. À la réception de la prestation de serment des nouveaux ministres du gouvernement Mechichi malgré l’aval du Parlement. Aux amendements de la loi permettant la facilitation de l’institution de la Cour constitutionnelle. Au dialogue national proposé par l’Union des travailleurs pour débloquer la situation politique et économique. Cette politique du « niet » a créé une situation insoutenable car elle sape les fondements de la cohésion de l’Etat et rend impossible son fonctionnement. C’est ce qui arrive aujourd’hui et pusse à imaginer le pire. Et souvent le pire naît d’abord dans l’imagination.
Le Président a tout intérêt à bien lire cette lettre, à bien reconsidérer la situation du pays et et à agir en conséquence. Tant qu’il est encore temps.
Mohcen Lasmar