Après plus de trois mois de pourparlers infructueux et de vaines attentes, l’UGTT s’est résignée à l’évidence quant à son initiative d’organisation d’un dialogue national qu’il qualifie de salvateur. Le signal de fin de non-recevoir est tombé en début de semaine, tel un couperet. Le Président Kaies Saied a tout simplement jeté en pâture le processus que la centrale syndicale a cherché à initier, préférant rester en harmonie avec la vision qui lui est propre de la chose politique.
Les multiples réunions qu’il a eu avec le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Tabboubi, en guise de préparation de ce round de discussion n’ont servi à rien, se sont avérées inutiles. D’ailleurs la centrale syndicale, qui était consciente d’un tel épilogue, est sortie de sa réserve, adressant ses piques à Kaies Saied, le rendant responsable de la perte d’un temps précieux, pour un pays aux abois et pris en otage par une classe politique dont les errements dépassent tout entendement.
L’UGTT qui a cherché à tirer bénéfice de cette initiative, en essayant de rééditer le scénario de 2013 et en voulant affirmer toute sa prééminence sur la scène nationale, sort avec des plumes, se sentant trahie, voire même exclue d’un processus dont elle était l’initiatrice.
Cela ne devrait pas surprendre outre mesure ceux qui connaissent le président Saied et les convictions qu’il a toujours défendues. Ne disposant pas de programme, il n’a cessé de soutenir la nécessité absolue de consacrer ce qu’il appelle « le pouvoir d’en bas ». Conformément à sa logique, ce qui est bon pour le pays doit partir du local pour remonter vers le pouvoir central. De la sorte “les projets seraient élaborés dans le cadre d’ateliers permettant aux conseils locaux de préparer un plan économique, social et culturel”.
Manifestement, Saïed s’inscrit en parfaite ligne avec le courant prôné par Alexis de Tocqueville qui considère que la démocratie ne peut s’émanciper que par l’autonomie communale, puisque « les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ».
La traduction concrète de cette approche se vérifie à travers la démarche, cela va sans dire, utopique que le président a privilégié pour conduire un dialogue national qui soit en conformité avec ses attentes et sa propre vision des pouvoirs.
Résultat : au moment où le pays vit dans l’urgence et attend des mesures courageuses et rapides pour passer le cap difficile, que propose Kaies Saied ? Un dialogue auquel participeront les jeunes à travers des moyens de communication modernes, lira-t-on dans le communiqué diffusé pour la circonstance. Une sorte, de « référendum en ligne avec les jeunes », qualifie le dirigeant syndicaliste Sami Tahri, visiblement dépité et avec un air sarcastique.
Dans le contexte actuel difficile de crise politique, sanitaire, financière et des graves tensions sociales qui secouent le pays actuellement, le dialogue proposé est une sorte de prière de l’absent. Il devrait permettre « l’élaboration de propositions à un niveau local puis de les formuler par des spécialistes de tous les domaines aux niveaux régional et national ». Le couac réside dans l’ignorance totale du facteur temps et de la qualité des acteurs devant être associés à un processus, entourés de grandes ambiguïtés et d’un flou qu’il est difficile de percer ses secrets.
Il va sans dire que ce n’est pas l’UGTT qui est la seule partie exclue de jouer un rôle à la hauteur de ses ambitions, le gouvernement Mechichi, en sursis depuis un certain temps, pourtant investi de pouvoirs réels et qui est redevable de sa gestion, est complètement ignoré, non concerné par une affaire tellement sérieuse consistant à définir les contours d’une stratégie qui conditionne l’avenir du pays !