Un visage éminent de la culture tunisienne disparaît.
Décédé hier matin à l’âge de 86 ans, Hichem Djaït qu’on connaissait souffrant depuis un certain temps, était l’une des figures les plus marquantes de l’université tunisienne et de la scène culturelle.
Historien de formation, il comptait parmi nos intellectuels les plus éminents.
Né dans une famille de grands notables tunisois, il obtient son agrégation en 1962.
Enseignant à l’université où il gravit toute l’échelle jusqu’à devenir professeur émérite demandé dans de nombreux instituts et facultés européens et américains, il démontrera très vite qu’il avait une ambition, celle d’un intellectuel engagé habitué par le désir et la volonté de penser le passé et le devenir de l’Islam. Son livre «La grande discorde» (Gallimard 1989) va le hisser au niveau de ces rares intellectuels qui osaient en leur temps poser un regard critique, éclairé et éclairant sur une histoire arabe-musulmane prisonnière d’une lecture traditionnelle (et traditionaliste) quasi sacrée. Hichem Djaït aura ainsi avec, d’autres bien sûr, participé à libérer la lecture de notre histoire des oripeaux du langage des ulémas, lui, le descendant d’un alim, et d’y apporter la pertinence et l’utilité de la recherche scientifique pragmatique.
La bibliothèque tunisienne et la culture nationale lui doivent nombreux ouvrages de qualité versant tous dans ce même souci d’explorer différemment l’histoire arabo- musulmane, sans tomber dans le travers du sensationnel ou le populisme, mais sans craindre, non plus, d’être impertinent ou même irrévérencieux. Sa trilogie sur la vie du Prophète Mohammed est pour certains, et à juste titre,son œuvre capitale.
En 2007, Hichem Djaït réédite son ouvrage « La personnalité et le devenir arabo-musulman » publié en 197, prouvant ainsi que ce l’intéressait en tout aussi bien comme enseignant, que comme écrivain et intellectuel engagé était de lever ce voile hagiographique sur le passé commun et chercher ce fil d’Ariane qui mène à une perception de la réalité historique, ou plutôt les réalités historiques, culturelles et religieuses permettant d’appréhender le présent et l’avenir sans illusions ni complexes, mais résolument et avec détermination car avec les moyens modernes.
S’il faut une seule expression pour le qualifier, Hichem Djaït aura été un libérateur d’une dépendance intellectuelle qui entravait l’accès à la connaissance de sa propre histoire et, par conséquent, de soi-même.
Bréviaire:
Naissance:6 décembre 1935 à Tunis et mort 1er juin 2021 à Tunis
Historien, islamologue et penseur.
Président de l’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts (Beit El Hikma).
Principales publications:
– La personnalité et le devenir arabo-islamique-1974
-L’Europe et l’islam1978
-Al-Kūfa, naissance de la ville islamique-1986
-La Grande Discorde:religion et politique dans l’Islam des origines-1989
– La vie de Mohammed.En trois tomes-
-La crise de la culture islamique-2004
-Penser l’Histoire, penser la Religion-2021