Par Abdelhamid Zoghlami*
Pendant que les Tunisiens s’occupent, à juste raison d’ailleurs, à suivre une actualité qui n’a jamais été autant mouvementée, et dans laquelle les annonces étonnantes se suivent et ne se ressemblent pas, entre arrestations pour conspiration contre la sécurité de l’État, renvoi d’immigrés illégaux pour complot en vue de remplacer la population tunisienne, et affolement des prix des denrées alimentaires…, une question réussit à se faire oublier: la sécheresse.
Regardez vous-même: nous avons l’été en plein hiver.
Ce qui signifie que, même si nous avons de grandes précipitations en mars, mois limite selon la tradition agricole pour espérer sauver la saison des céréales-ce que nous espérons ardemment-, elles ne pourront pas combler le déficit accumulé depuis l’automne. Même si elles sont toujours bonnes à prendre, les averses de ces derniers jours restent insuffisantes. Voire négligeables.
En fait, on ne semble pas mesurer la catastrophe qui arrive si cette situation de sécheresse perdure. Plus grave:on ne mesure pas les conséquences des chagements climatiques. Et il est pour le moins frappant qu’on n’entende pas un mot sur ce péril imminent, et encore moins sur les conséquences des bouleversements qui risquent de nous atteindre dans nos besoins immédiats et primordiaux. Comme si nous vivions sur une autre planète.
D’aucuns diraient que cette sécheresse n’est pas chose nouvelle, et que la Tunisie a toujours souffert d’un déficit hydrique. C’est peut-être vrai, mais la la population tunisienne a augmenté, entre temps, pour dépasser désormais les douze millions d’habitants aujourd’hui. Les ressources en eaux n’ont pas suivi cette augmentation et ont, à l’inverse, régressé. Des choix économiques, industriels et touristiques, tous gourmands en eaux, ont fini par réduire drastiquement ces ressources, mettant le pays sous la menace terrible de la soif.
il faut dire qu’en matière de politique globale de l’eau, nous avons failli doublement.
Sur le plan stratégique d’abord, où nous avons vu petit en se contentant d’une gestion à la petite semaine, et en refusant de voir venir le stress hydrique pourtant annoncé depuis au moins quatre décennies. Ainsi, l’effort fourni au lendemain l’Indépendance pour la construction des barrages, malgré le manque de moyens a été curieusement ralenti. De même pour les barrages collinaires, considérés comme le moyen le plus efficace pour la rétention des eaux pluviales.
Le dessalement de l’eau de mer ou des eaux saumâtres, par ailleurs considéré comme un choix inévitable, n’a pas reçu l’attention requise, ni l’effort nécessaire. Une centaine de petites unités, alors que le pays en a besoin du double, ont été réalisées. Certes coûteuses, les stations de dessalement devraient néanmoins constituer une priorité absolue afin de couvrir les besoins en eau potable des populations notamment du nord-ouest et du centre, régions les plus éprouvées par le manque d’eau, et dont la fixation des populations est un défi aussi bien économique que politique. Défi dans lequel l’eau constitue un facteur déterminant.
Le second plan sur lequel les pouvoirs publics ont incontestablement failli, est celui de l’anticipation. Il s’agit de cette capacité d’adaptation dont font preuve les populations des pays avancés en consentant à restreindre leur consommation d’eau aussitôt la situation le demande. C’est une culture, en fait, que l’État tunisien n’a pas su inculquer et que, ni l’école, ni les médias ne semblent aujourd’hui prêts à combler par une quelconque éducation ou conscientisation publique.
Et pourtant.
C’est maintenant, en hiver, qu’il faut économiser l’eau pour…l’été où les besoins augmentent terriblement.
Ménage, agriculture, industrie, tourisme, nous sommes tous concernés.
*Abdelhamid Zoghlami est co-fondateur et président d’honneur de Tunisie-direct
