« Vous allez sortir libre, madame, de cette cour d’assises. La cour tient à vous souhaiter de retrouver la paix et la sérénité ». Valérie Bacot venait d’entendre la sentence prononcée pour le meurtre de son mari: quatre ans de prison dont trois avec sursis. Elle avait fait plus d’un an de préventive… Le ministère public avait requis cinq ans dont quatre avec sursis, une peine qui ne la renvoyait pas en prison: « Valérie Bacot ne pouvait pas prendre la vie de celui qui la terrorisait » mais il faut « fixer l’interdit sans réincarcérer ». L‘avocat général Eric Jallet avait, devant les assises de Saône-et-Loire, souligné que ses quatre enfants avaient « besoin » de l’accusée qui est « clairement une victime ». A l’énoncé de ce verdict, la salle avait applaudie et c’est pratiquement sous une haie d’honneur que la jeune femme, soutenue par ses deux avocates, est sortie du tribunal. En écoutant le réquisitoire, Valérie Bacot avait cédé à l’émotion et fait un malaise. Toute la tension qui la faisait tenir debout avait disparu. Elle craignait tellement de retourner en prison qu’elle avait préparé comme elle pouvait l’avenir de ses deux aînés, pourtant majeurs, allant même jusqu’à acheter à l’un d’eux une carte de bus…
L’histoire de cette femme est tragique, presque irracontable tellement on a du mal à croire qu’une telle vie – ou non vie- puisse exister. 24 ans de souffrances. Une mère instable et alcoolique, un père absent, un frère aîné qui l’aurait forcé à lui faire une fellation à l’âge de six ans. Et puis sa mère s’installe avec Daniel Polette qui va violer Valérie, tous les jours après l’école. Elle a douze ans. Sa mère, absente, tient un commerce. Ce sont les sœurs de Polette qui alertent, soupçonnant ce que Valérie peut vivre. Elles connaissent leur frère qui a violé l’une d’elles, la menaçant de mort, elle et sa mère, si elle parlait. Condamné à quatre ans de prison, il n’en fera qu’un peu plus de deux et sera à nouveau accueilli par la mère de Valérie qui lui a toujours rendu visite en compagnie de sa fille, comme si rien n’était… Les viols reprennent et Valérie tombe enceinte à 17 ans. Sous emprise, et ne supportant plus sa mère, la jeune fille part vivre avec le père de son enfant. Ils se marieront et auront, au total, quatre enfants. Il a 25 ans de plus qu’elle. Il lui interdit de travailler, la frappe, menace de la tuer, fait semblant de tirer. Des années de prostitution dans un fourgon 806 qu’il a aménagé et, où, caché, il donne des ordres grâce à une oreillette. Quand elle a 14 ans, la fille de Valérie raconte que son père commence à « s’intéresser » à elle sexuellement. C’en est trop pour Valérie Bacot qui, un jour, après une « passe » difficile, craque, prend une arme cachée dans le véhicule et tue Daniel Polette. Elle se confie à ses enfants et au petit ami de sa fille. Ils vont enterrer le corps en forêt, détruire les preuves et déclarer à la police la disparition du mari et du père. On est le 13 mars 2016. Le corps sera retrouvé le 2 octobre 2017, à la suite d’ une dénonciation de la mère du petit ami, à la suite d’une dispute… Les enfants savaient ce que leur mère vivait et prétendaient avoir tenté en vain d’alerter la police.
Durant le procès qui vient de s’achever, les anciennes compagnes de Daniel Polette sont venues raconter qu’elles aussi avaient vécu un calvaire; la sœur violée qui, un moment a vécu, détruite, dans la rue et alcoolique, a dit tout ce que ce frère « terrifiant » faisait subir à sa famille; un de ses frères ne l’appelle que « le monstre ». Seule la mère de Valérie paraît ne pas se rendre compte de ce qu’a vécu sa fille. Tout le monde savait, sauf elle… Elle va jusqu’à dire que sa fille était « amoureuse », qu’elle voulait que Daniel revienne à la maison…
« Emprise totale de la part d’un mari totalitaire » ont estimé les psychiatres, syndrome de la femme battue et même syndrome de Stockholm… Aujourd’hui, Valérie Bacot a 40 ans. Depuis 2019,elle est commerciale dans une entreprise de plâtrerie et de décoration intérieure. Elle veut vivre pour ses enfants et sa petite fille, la fille de son fils aîné.