Lorsqu’en 1967, James Clavell présentait son film To Sir, with love, il n’imaginait certainement pas que les objectifs qu’il avait fixés seraient diamétralement déformés. Il avait inventé une méthode pédagogique inhabituelle dans une tentative de faire revenir à la raison un groupe de jeunes élèves qui refusaient toute forme de dialogue avec le corps enseignant. À l’époque, Londres vivait de graves problèmes raciaux dans une société où l’écart entre les riches et les pauvres ne cessait de se creuser. Ce fut une réussite. À peine six années plus tard, le dramaturge égyptien Ali Salem s’inspire de l’œuvre de Clavell pour présenter sa pièce théâtrale Madraset al Mouchagibin (L’école des rebelles). Le succès de l’œuvre d’Ali Salem était inégalé : deux décennies durant que les télévisions arabes diffusaient et rediffusaient cette œuvre théâtrale. Mais au fait, y avait-il une dérive pédagogique quant à l’esprit du film de Clavell ? À première vue oui tant que seul l’épilogue était le même avec la réconciliation qui a fini par tout couronner. Reste à comprendre pour quelles raisons les masses populaires, intellectuelles ou non n’avaient retenu que les scènes d’indiscipline et de non-respect de l’autorité professorale. C’est justement cette conclusion médiocre qui semble dominer la vision des adolescents à leurs enseignants car depuis, que de mauvaises œuvres théâtrales et cinématographiques versaient dans cette vision désormais courante. La télévision tunisienne n’a pas échappé à cette nouvelle donne à travers des émissions et des feuilletons aussi médiocres qu’oiseux. Certes faut-il saisir la différence entre la comédie et la tragédie pour comprendre le rôle essentiel de tout travail théâtral à grande influence sur un public jeune et encore immature. Si la comédie se base sur l’humour, la tragédie a pour objectif de mettre en évidence des séquences dramatiques de la vie des humains dans le but de stimuler les esprits à les éviter au nom de certaines valeurs de l’époque.
Une telle frontière n’est nullement à la portée de tout un chacun, même à ceux qu’on considérait, il y a quelques décennies, comme des prophètes en l’occurrence, les enseignants (l’enseignant a failli être un prophète). Cette faille dans le raisonnement juvénile supprime d’elle-même les frontières entre l’indiscipline et la violence. Bavarder en classe, faire le clown en se mettant dans les rangs reste des gestes innocents et souvent source d’humour partagé, mais lorsque les actes et gestes dépassent cette frontière c’est la violence qui s’installe. Le refus de l’autorité par un élève confus ne peut se manifester que par la violence, tout comme sur les terrains de sport où le refus de l’autorité (le corps arbitral) subit le même sort. Il faut chercher la source du refus de l’autorité dans le manque du travail pédagogique de terrain, dans la décadence des règles morales au sein des familles mais aussi dans le comportement de certains membres du corps enseignant qui n’hésitent pas à tirer profit de leur statut (propos violents ou humiliants, non-respect des parents des élèves, profits financiers à travers des cours à domicile et même certains cas de harcèlement). Ajouter à tout cela l’absence d’horizon professionnel chez une grande majorité des élèves qui ne considèrent plus l’école comme source de bonheur et de réussite sociale. Un labyrinthe sans issue dont les clés de la réussite résident dans l’approfondissement des études et des recherches que doivent mener et le centre national pédagogique, le corps enseignant, les représentants des élèves et leurs parents, faute de quoi, la médiocrité finira par donner naissance à des générations futures à mille lieues de l’excellence.
Moncef ZGHIDI