En février, à peine trois semaines avant l’invasion de l’Ukraine, Xi Jinping et Vladimir Poutine annonçaient « l’entrée des relations internationales dans une nouvelle ère » et se promettaient « une amitié sans limites ». Il y a quelques jours, le numéro 3 chinois, Li Zhanshu apportait son ferme soutien à la Russie obligée à « une riposte à la menace des Etats-Unis et de l’Otan ». Cependant, même si Pékin et Moscou mettent toujours en avant leur volonté de construire, autour d’eux, un monde post occidental et donc mettre fin à l’hégémonie américaine, les relations ne sont pas tout à fait celles que Poutine imaginait. Il n’y a qu’à regarder les images venues du Kazakhstan et d’Ouzbékistan pour constater un net déséquilibre : le Chinois est le patron, le Russe le quémandeur. Bien sûr, Xi soutient son « vieil ami » et se déclare prêt à « travailler avec la Russie pour assumer son rôle de grande puissance », mais c’est lui le leader.
Vladimir Poutine ne peut plus cacher son échec actuel en Ukraine où il devait gagner en trois jours. Au 205eme, il perd et, à Moscou, les « durs » haussent le ton sans que l’on sache si c’est avec son aval ou contre lui. A Samarcande, il est donc contraint de dire à XI, mais aussi à l’Indien Modi et même au Turc Erdogan qu’il reconnaît leurs « préoccupations » et qu’il leur fournira explications et informations.
Vladimir Poutine peut se consoler en remarquant que l’organisation de coopération de Shangaï est la plus grande du monde et qu’il n’est donc pas isolé. Toutefois, si l’OCS peut rappeler les deux blocs de la guerre froide, il y a une grande différence : la Chine, bien qu’elle ambitionne de dépasser les Etats-Unis et d’imposer un autre ordre international qu’elle prétend plus juste, refuse de se couper de l’autre monde, elle a trop besoin des échanges avec les Etats-Unis et l’Occident pour se développer, pour avancer.
D’où, au-delà des mots une grande prudence. Les échanges commerciaux avec la Russie sont en forte hausse – + 50% – mais Poutine espérait mieux et des armes, de la technologie. Pekin envoie bien des puces électroniques, mais relativement peu et de piètre qualité. Pas question d’énerver Washington qui vient de sanctionner vingt-cinq sociétés chinoises dont cinq de biens électroniques qui commercent avec la Russie. La Chine exporte trois fois plus vers les Etats-Unis que vers la Russie.
Cela dit, et tout en constatant que Poutine est un allié dépendant et dominé, comme le souhaite XI qui entend montrer sa puissance avant le congrès qui devrait le confirmer au pouvoir pour un troisième mandat, le monde nouveau semble en marche ou, du moins, la transformation de l’actuel. La démocratie régresse partout au profit de l’autocratie, du multi-alignement pratiqué notamment par l’Inde et la Turquie. Peut-être aussi par la Tunisie de Kais Saïed ?