On connaît déjà à Youssef Chahed cette qualité essentielle aux vrais politiques: la ténacité. Il vient de prouver qu’il en a une autre: l’auto-évaluation. C’est clair. Il a compris depuis sa derrière vidéo qu’il provoque encore un sentiment de rejet chez une bonne partie de ses concitoyens.
Non point seulement en raison d’un bilan peu flatteur, mais aussi et surtout par son air arrogant d’enfant bien né et son style de donneur de leçons. Alors il a essayé de se calmer cette fois en adoptant une approche plus conciliante et en faisant montre d’une manifeste volonté d’humilité. Pendant les 20 minutes que dure la nouvelle vidéo postée depuis deux jours, l’ancien chef du gouvernement fait un numéro de grand trapéziste. Il brosse un tableau catastrophique de la situation économique du pays. Il fait un constat sans concession du blocage politique actuel. Il établit un bilan terrible de la crise de la Covid-19.
On se dit alors qu’il il va livrer bataille contre les responsables de toutes ces incuries et présenter ses propres solutions. Mais non. Il reste sur le fil, plutôt gentil évitant de tomber ni à gauche ni à droite, cherche des explications, donne des conseils, émet des souhaits. Du genre« il faut réussir les négociations avec le FMI» ou encore « on devrait s’activer pour obtenir le maximum de vaccins ». Et pour finir, l’inévitable tarte à la crème: « nous avons les moyens de s’en sortir si l’on s’y prend dès maintenant ».
L’impression générale est que, malgré quelques idées à retenir dont l’urgence d’une aide de l’Etat aux PME et aux artisans- encore faut-il que le gouvernement en ait les moyens-, l’intervention de Youssef Chahed n’apporte rien de vraiment nouveau, n’accroche pas, ne bouscule rien, ne va pas au fond. Et la raison, il faut la chercher en Youssef Chahed lui-même, qui a tant de handicaps à dépasser.
Sur le plan purement personnel d’abord, il devrait travailler davantage sa façon de discourir et se débarrasser d’une intonation monocorde et par trop lassante. Cela s’appelle la chaleur du texte par laquelle l’orateur fait passer des sentiments à son auditoire et pas uniquement des idées. Et ça s’apprend.
Ensuite il faut savoir s’il est oui ou non président d’un parti. Et puisque c’est oui, pourquoi s’entêter à parler en ancien président du gouvernement, donc forcément comme un homme du passé alors que la qualité de chef de parti représenté au parlement signifie le présent et l’avenir? A moins que son parti lui échappe. Et ça serait une autre histoire.
Enfin, la peur. Youssef Chahed doit se défaire de sa peur. Une peur qui le fait tomber dans une hésitation laminante. Il fait un coup en avant puis recule, lance une critique puis s’excuse, menace de briser le cercle puis revient vite au centre. Il doit se définir et surtout pas en se disant du centre. Il n’y a pas de centre, tout simplement.
Et puis sérieusement c’est quoi cette histoire de trêve(houdna)à laquelle il appelle les acteurs politiques pour se consacrer à la lutte contre la Covid-19? .Si l’idée est bonne en théorie, elle reste impossible en pratique .Car tout le problème justement est que ces politiques sont en trêve. En interruption. En pause. En arrêt. Ils ne ne se voient pas, ne se parlent pas, ne discutent pas. Ils ne dialoguent pas.Et au plus haut niveau de l’Etat .Alors franchement une trêve…
Conclusion: c’est déjà mieux Youssef Chahed, encore un petit effort!
https://www.facebook.com/watch/live/?v=1220087085113954&ref=watch_permalink&t=8
Mohcen Lasmar