C’est à une bonne et belle rencontre que Mohamed Ayeb nous convie.
Galeriste, il a veillé à réunir une brochette d’artistes représentatifs et représentant les trois générations issues de l’École des beaux-arts de Tunis.
Artiste, il nous étonne avec un talent entre réalisme et onirisme.
Il y a d’abord Mokhtar Hnene parmi les aînés, qui est dans le figuratif tout plein et qui propose les inévitables silhouettes féminines en sefsari, et des paysages bucoliques avec une maîtrise technique plutôt rare aujourd’hui.
Il y a aussi Lotfi Dridi qui lui emboîte le pas avec une belle toile représentant la côte de Rafraf.
Avec une tendance affichée vers la stylisation mais sans abandonner la représentation classique de l’École de Tunis, Zohra Larguech fait, bien malgré elle, le lien entre la première et le seconde génération des anciens des Beaux arts, en donnant à voir dans ses aquarelles, à la fois une perpétuation des poncifs des années 80 et un désir d’en découdre. Il y a sur le plan des motifs l’éternelle médina pour faire « authentique », les arcades, les paysages champêtres, et cette application à faire joli, à plaire. Et il faut avouer que ça plaît.
Et comme pour faire le lien ou la séparation entre les générations, Hechmi Marzouk, connu pour être le sculpteur officiel qui a immortalisé Bourguiba, présente des bronzes et des dessins qui donnent la mesure et l’étendue de son talent.
On passe alors de nouveau au figuratif avec deux peintures de Mohamed Ayeb qui, se muant en artiste peintre, présente une intéressante toile se situant entre les frontières du visible et rêve intitulée « poupée d’argile ».
L’enchaînement est vite trouvé et l’on passe à Bady Chouchane qui opère un retour vers le futur en rappelant le travail de son maître Mahmoud Sehili à la palette colorée et profonde et qui cache derrière une vision abstraite des formes et des paysages réels.
Le bouquet de cette exposition réside indubitablement dans le quadruple de la jeune Sabra Ben Fraj qui offre un art réinventé « mixant », techniques de décoration, représentation parabolique, suggestion stylisée, et même du récit figuratif populaire. Le tout est parfaitement cohérent artistiquement assumé. Axant son travail autour du thème des « quatre saisons », Sabra Ben Fraj ouvre une nouvelle perspective dans le renouvellement de la pratique artistique en y apportant une nette note de fraîcheur et une bonne dose d’audace en renvoyant tout le monde à la essentielle de l’art: reproduire en dépassant sans cesse.
Finalement, Mohamed Ayeb aura réussi à nous faire vivre un véritable retour vers le futur à travers une simple et petite réunion de 7 artistes.
Allez-y, c’est jusqu’au 3 juin dans l’Espace Ain-Jardins De Salammbô-Le Kram.
Par Abdeljelil Khaled