« Déshonneur », c’est le mot qui revient le plus souvent pour qualifier le comportement de Joe Biden et des Etats-Unis qui ont laissé les talibans conquérir en dix jours l’Afghanistan. Mérité ou excessif? Défaite terrible, déroute, débâcle, échec total, aveuglement, oui mais faut-il y ajouter le déshonneur? Ce retrait a bien cinquante nuances qui, sans absoudre l’Amérique, atténuent sa culpabilité. Et on peut oser cette question: pourquoi donc ne sont-ils pas repartis une fois leur « mission » accomplie: démanteler Al Qaïda, lui faire payer le prix fort pour les attentats du 11 septembre.
Sans réflexion approfondie, sans analyse sérieuse, en toute méconnaissance de l’histoire de ce pays et des mentalités, ils ont voulu croire que leur seule présence et leurs dollars installeraient la démocratie. Une erreur grave -et renouvelée en Irak- , une faute, un orgueil mal placé.
Les États-Unis n’ont pas compris les Afghans -ont-ils cherché à le faire?- et ont fini par fermer les yeux sur la corruption, les magouilles, les arrangements qui éloignaient le pays de ce rêve démocratique partagé par la jeunesse surtout à Kaboul. Déshonneur rime avec trahison. La trahison, ce sont les responsables afghans qui l’ont commise, soucieux de pouvoir et de prérogatives, peu avares de belles promesses et des mensonges. Aussi menteurs que les talibans, ils ont trahi leur peuple tandis que les Américains, les pays de l’Otan fermaient les yeux, payaient pour une armée inexistante. Vingt ans pour en arriver là, c’est bien sûr lamentable, mais c’est le président Ghani qui a fui avec, dit-on, autant d’argent qu’il a pu emporter. Lui s’est couvert de déshonneur.
Pour Biden, et Trump avec lui malgré ses fanfaronnades, ne faudrait-il pas parler de « négligence coupable »plus que d’abandon déshonorant? En justice, la qualification n’est pas la même…
La faute de l’Occident est aussi de ne pas s’être rendu compte plus vite de son échec, de ne pas avoir su réagir. Fallait-il se lancer dans une guerre au nom de la liberté parce que les dirigeants afghans avaient conduit leur pays au bord du gouffre? Rester un an de plus équivalait à entrer dans un engrenage sans fin… Impossible à envisager.
La faute, morale, stratégique et de leadership ne date donc pas de ces derniers mois, de la décision du retrait. Mais les conséquences sont les mêmes: perte de confiance dans la parole des Etats-Unis et de l’occident, risque d’un regain de terrorisme car les talibans ont gardé des liens étroits avec Al Qaïda.
Déshonneur ou presque déshonneur, l’important n’est pas là. Il est dans la protection de tous les Afghans face aux exactions, aux vengeances talibanes qui sont en cours selon tous les témoignages. La Chine, la Russie, le Pakistan ont un rôle à jouer…