Plutôt discret avec la presse locale, Rached Ghannouchi ne cesse de multiplier les apparitions sur les médias étrangers. Qu’ils soient Européens, Asiatiques ou Arabes, ces médias continuent, malgré la quasi-crise politique dans le pays, ou, peut-être à cause d’elle, à trouver un intérêt manifeste à recueillir les avis et sentiments du Président du parlement.
Le dernier média étranger en date à s’être intéressé à Rached Ghannouchi est le quotidien Qatari Ach charq ( l’Orient), qui lui a consacré sa Une et deux pages intérieures entières, confirmant ainsi le surcroît d’intérêt qu’on lui nourrit dans cet État du golf. Soulignant les liens privilégiés qui lient les deux pays Rached Ghannouchi a, au début de l’entretien, rendu un vibrant hommage aux autorités qataries qui n’ont cessé d’apporter un décisif soutien à la Tunisie depuis l’avènement de sa Révolution pacifique, et ce quelque soit la couleur politique du gouvernement en place.
Ce soutien qui ne s’est jamais démenti au fil des dix dernières années, a fait du Qatar le premier investisseur arabe en Tunisie, et le second investisseur étranger avec une enveloppe qui atteint le milliard de dollars entre aides et dépôts, a rappelé le Président du parlement, ajoutant, que les investissements qataris ont touché divers domaines et ont permis de créer quelques 100 mille postes d’emploi.A la question de savoir si l’heure de faire de vraies révisions a sonné pour les mouvements islamistes, qui leur permettraient une meilleure intégration dans leur environnement, Rached Ghannouchi a répondu que les mouvements islamistes ne sont pas différents des autres mouvements politiques ou sociaux, et qu’ils sont soumis à l’évaluation et l’autocritique. Nés du choc orageux de la modernité, ces mouvements ont interagi avec leur société intérieure, réussissant peu ou prou. Les révolutions du Printemps arabe ont cependant ouvert les horizons devant ces mouvements et les ont aidés à quitter les caves secrètes et les réunions clandestines, et à mettre à l’épreuve la solidité de leur pensée et de leur vision face à la réalité environnante.
A la question si les dissensions et la violente opposition entre les partis politiques n’exercent pas une influence négative sur la marche de l’institution législative, Rached Ghannouchi a affirmé que la manifestation de certaines tensions ou turbulences sont l’expression libre d’une impatience, celle d’un peuple pressé de voir se réaliser la transition économique et sociale. Quant au parlement, il continue d’assurer sa mission législative sans entraves aucunes et dans la transparence totale. Il a produit des lois dont s’enorgueillit la Tunisie.
Répondant à la question de savoir qui entrave les efforts en faveur de la réconciliation nationale, le Président du parlement a désigné la mentalité de l’exclusion qui, précise-t-il, n’est pas propre à un mouvement particulier. C’est cette mentalité qui empêche nos pays d’évoluer et de construire des régimes démocratiques stables. Et Ghannouchi d’ajouter que c’est le rôle des élites de la nation de libérer les mouvements politiques de cet esprit exclusif. « Depuis les années quatre-vingt déjà, je ne cesse de répéter que la Tunisie est pour tous ses enfants. Je suis toujours intimement convaincu que le navire Tunisie s’élargit à tous les Tunisiens et qu’aucun ne doit penser jeter un autre hors du navire »