Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a affirmé mercredi que les objectifs militaires de la Russie en Ukraine ne se limitaient plus uniquement à l’est du pays, mais concernaient aussi « une série d’autres territoires ».
« La géographie est différente maintenant. Ce ne sont plus seulement les “républiques populaires de Donetsk et Louhansk” [les territoires séparatistes de l’est de l’Ukraine], ce sont aussi les régions de Kherson et Zaporijia [dans le Sud] et une série d’autres territoires, et ce processus continue, de façon constante et opiniâtre », a-t-il déclaré dans une interview à l’agence de presse russe RIA Novosti et à la chaîne Russia Today (RT).
Ces déclarations interviennent alors que Moscou a enregistré des gains ces dernières semaines dans l’est de l’Ukraine, en faisant notamment sauter le double verrou de Severodonetsk et Lyssytchansk, ce qui lui a dégagé la voie pour tenter d’avancer vers les villes de Kramatorsk et de Sloviansk, plus à l’ouest. De rudes combats continuent, cependant, de se dérouler dans cette partie de l’Ukraine, Kiev pouvant compter sur les récentes livraisons de pièces d’artillerie occidentales plus performantes.
M. Lavrov a d’ailleurs prévenu que, si l’Occident continuait de fournir à l’Ukraine des armes capables de frapper à longue distance, comme les lance-roquettes multiples américains Himars, les objectifs géographiques de la Russie évolueraient encore. « Car nous ne pouvons permettre que, dans la partie d’Ukraine contrôlée par [Volodymyr] Zelensky ou son remplaçant, se trouvent des armes qui peuvent menacer directement notre territoire ou celui des républiques [séparatistes] ayant déclaré leur indépendance ou voulant choisir seules leur avenir », a-t-il déclaré.
Vers des annexions
La Russie « travaille à l’annexion des territoires ukrainiens » passés sous son contrôle ces derniers mois, en utilisant le même « mode d’emploi » que pour la Crimée en 2014, a accusé mardi la Maison Blanche. « Le gouvernement russe dispose de plans détaillés pour annexer un certain nombre de régions en Ukraine dont Kherson, Zaporijjia et l’ensemble des Oblasts de Donetsk et Lougansk », a déclaré John Kirby, qui coordonne la communication du président Joe Biden sur les questions stratégiques. Les représentants « illégitimes » que Moscou a imposés dans ces zones « vont organiser des référendums fantoches sur la réunification avec la Russie », « peut-être en septembre lors des élections régionales russes », a-t-il ajouté.
En parallèle, la Russie cherche à y installer des banques russes pour généraliser l’usage du rouble, « force les résidents à demander la citoyenneté russe », « impose ses fidèles dans les services de sécurité », tout en « sabotant l’internet civil », a-t-il encore assuré.
L’Ukraine n’existe plus…
Vladimir Soloviev, célèbre présentateur de la télévision d’État russe, a comparé l’invasion de l’Ukraine à un vermifuge, une procédure pratiquée sur un chat pour éliminer ses vers. Alors que la guerre en Ukraine s’apprête à entrer dans son sixième mois, la télévision d’Etat russe a livré lundi un nouveau moment ahurissant. « Quand un médecin vermifuge un chat, pour le médecin, c’est une opération spéciale, pour les vers, c’est une guerre, et pour le chat, c’est un nettoyage« , a expliqué Soloviev.
Sur la chaîne Russie-1, il répondait à des propos génocidaires tenus plus tôt dans l’émission par la rédactrice en chef de la chaîne de télévision pro-Kremlin RT, Margarita Simonyan. « Nous devrions construire notre avenir avec la culture, avec le chauffage et sans l’Ukraine », avait-elle déclaré. Lorsque le présentateur d’Une soirée avec Vladimir Soloviev s’est interrogé pourquoi sans l’Ukraine, Simonyan a répondu : « parce que l’Ukraine telle qu’elle était, ne peut pas continuer à exister ». « Il n’y aura pas l’Ukraine que nous connaissons depuis de nombreuses années », a-t-elle ajouté.
Gazprom assurera
Le président Poutine a assuré mardi que Gazprom remplirait pleinement ses obligations auprès de ses fournisseurs, au moment où baissent les livraisons vers l’Europe en plein conflit en Ukraine. « Gazprom a rempli, continue de remplir et remplira pleinement ses obligations, si quelqu’un en a besoin », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse après des pourparlers à Téhéran. « Il ne fait aucun doute que nos partenaires rejettent ou essayent de rejeter toutes leurs propres erreurs sur la Russie et Gazprom », a-t-il ajouté, affirmant que les Européens avait parié sur des « sources d’énergie non-traditionnelles ». « Gazprom est prêt à pomper autant que nécessaire », a-t-il poursuivi, indiquant que les Occidentaux étaient en difficulté car ils avaient pris des sanctions contre Moscou et « fermé » des canaux de livraison d’hydrocarbures.
Gazprom a réduit ces dernières semaines de 60% les livraisons de gaz via Nord Stream, arguant de l’absence d’une turbine Siemens, en maintenance au Canada. Cette décision a été dénoncée comme « politique » par le gouvernement allemand, l’estimant motivée par une volonté de peser sur les Occidentaux dans le conflit en Ukraine.
Céréales : les conditions russes
Vladimir Poutine a appelé à lever les restrictions occidentales sur les céréales russes pour obtenir des avancées dans l’exportation de la production agricole ukrainienne, actuellement bloquée dans le pays à cause de l’offensive du Kremlin. « Nous faciliterons l’exportation des céréales ukrainiennes, mais en partant du fait que toutes les restrictions liées aux possibles livraisons à l’export des céréales russes soient levées », a affirmé le président russe, après des pourparlers à Téhéran. « Nous nous étions entendus depuis le début sur ce point avec les organisations internationales. Mais personne n’a pris la responsabilité de finaliser tout cela, y compris nos partenaires américains », a-t-il poursuivi.
Vladimir Poutine a également évoqué des progrès dans les négociations pour l’exportation des céréales d’Ukraine via la mer Noire et remercié son homologue turc Recep Tayyip Erdogan pour sa « médiation » dans ce dossier.La Commission européenne a proposé aux États membres de débloquer « certains fonds » de banques russes gelés par les sanctions de l’UE pour aider la reprise du commerce des produits agricoles et alimentaires, y compris le blé et les engrais. L’UE « veut qu’il soit parfaitement clair que rien dans les sanctions ne freine le transport de céréales hors de Russie ou d’Ukraine », a déclaré à l’AFP un diplomate européen sous couvert d’anonymat.