Par Moncef ZGHIDI
Une décision contre productive ?
Le décret présidentiel relatif au pass sanitaire de vaccination contre le Covid-19 publié vendredi 22 octobre dernier au Journal officiel de la république tunisienne ne trouve pas l’assentiment de tous. Entre l’impératif de santé publique et le principe des libertés individuelles, aucun compromis ne semble possible. Deux réflexions méritent d’être évoquées : la pensée confuse et la réalité sociale.
La pensée confuse
Sans évoquer les Antivax, ou les opposants au pass sanitaire, dont la raison est malheureusement qualifiée par Big Pharma de complotiste, nous tentons de comprendre l’équation capable de concilier entre deux principes fondamentaux à savoir la responsabilité des pouvoirs publics et les libertés. Comme le décrivait le philosophe Michel Faucault, le biopouvoir est un type de pouvoir qui s’exerce sur la vie des corps et de la population.
Décréter une obligation vaccinale à des milliards de personnes ne peut en aucun cas être un acte innocent d’autant plus que les vaccins proposés sont encore à l’étape expérimentale, entendre sans efficacité médicale confirmée. Pourquoi donc cette violation manifeste du Serment d’Hippocrate et du principe de l’inviolabilité du corps humain ? Aucune réponse n’est possible tellement la confusion est grande sauf dans les esprits de ceux qui l’ont créée. Toujours selon Michel Faucault, « l’avènement d’une nouvelle logique de gouvernance propre aux sociétés libérales occidentales, obnubilées par la santé et le bien-être de leurs populations se classe sous le terme de biopolitique », comme si le droit de vivre dépend désormais de l’obéissance aux ordres de l’industrie pharmaceutique et à ceux des pouvoirs politiques.
Cette nouvelle conception de la liberté de vivre viole tous les principes des droits humains à commencer par le droit à la vie et à disposer de son corps. Mais comment se traduit dans la pratique cet aspect philosophique de l’obligation vaccinale pour tous ? Rien de plus facile à trouver : imposer par la force de la loi et sous la contrainte de la violence de la raison d’État l’administration d’un vaccin ou d’une molécule quelconque à tous les gouvernés. Cette obligation s’étend de la simple recommandation jusqu’à la privation de circuler librement, de voyager, de se réunir et aussi de privation de salaire au nom de l’obligation des gouvernants à veiller sur la santé des populations. Ridicule comme argument tant qu’il travestit les principes fondamentaux de la vie humaine !
C’est ainsi que dans la conscience collective le fait d’imposer un remède reconnu inefficace contredit le discours politique officiel qui prône les libertés et le bien-être de la population. Entre le oui et le non se disloque le raisonnement et se multiplient les interprétations quant à la confiance accordée aux pouvoirs publics et à leur sincérité d’autant plus qu’une machine médiatique de fabrication du consentement collectif commence à influencer la population dans le but d’installer une peur significative capable de la pousser à accepter l’obligation vaccinale. À l’instar des fumeurs, les non vaccinés seront bientôt des criminels responsables de la propagation du virus. C’est l’échec de la raison !
La réalité sociale
Imposer un pass vaccinal aux salariés sous peine de suspension de leurs contrats de travail et de privation de leurs salaires est une mesure inédite en Tunisie. Au moment où le nombre des chômeurs ne cesse d’augmenter et où l’économie commence à peine de progresser après une décennie de mauvaise gouvernance, il existe un risque de décomposer le tissu social dans sa totalité.
Déjà que la cherté de la vie étouffe la population salariée, une telle mesure risque de faire exploser des familles entières et par là même une grande partie de la société. Là, il faut évoquer des cas concrets et réels. Il suffit d’imaginer une famille dont les parents sont salariés et avec des enfants à charge qui se retrouve sans le vouloir sans aucune ressource financière faute de pass vaccinal. Sachant que la majorité des ménages tunisiens sont endettés auprès des banques, il suffit d’imaginer la suite !
Outre la violation manifeste du code de travail, malgré la tentative assez timide d’éviter l’application de ses articles 14 C et 21-12 relatifs à la résiliation des contrats de travail, le manque de mesures d’accompagnement est manifeste. Le pouvoir politique en Tunisie et en pratiquant le « copié-collé » des mesures prises en Europe se trompe de chemin. Considérer l’économie tunisienne comme identique à celles européennes est une grave erreur du simple fait qu’en Europe de multiples mesures sociales et financières viennent en aide aux entreprises et aux familles démunies de ressources outre la prise en charge par l’état des crédits à la consommation contractés par les familles soit en garantissant leur remboursement soit par le report des échéances. Il fallait peut-être accentuer le travail pédagogique qu’imposer des mesures impopulaires à graves conséquences.