Mahjoub Mahjoubi a été renvoyé en Tunisie ce jeudi soir, quatre jours après l’annonce du ministre de l’Intérieur. Cet imam tunisien, en France depuis près de 40 ans, a été interpellé puis expulsé vers la Tunisie où il est arrivé peu avant minuit, à bord d’un vol en provenance de Paris.
Plus tôt dans la journée, Mahjoub Mahjoubi « a été interpellé à son domicile par les services de police, qui lui ont notifié un arrêté d’expulsion émanant du ministère de l’Intérieur, avec un placement en rétention administrative immédiat en région parisienne », avait annoncé auprès de BFMTV son avocat, Me Samir Hamroun, selon qui son client est « abasourdi » et « bouleversé ». L’avocat avait ajouté qu’il allait « tout de suite s’atteler à contester l’arrêté d’expulsion », dans le délai de 48 heures dont il dispose.
Dimanche dernier, sur le réseau social X, Gérald Darmanin avait dénoncé les appels à la haine de cet imam dans certains de ses prêches et réclamé son expulsion. Ce jeudi, il se félicitait que cette expulsion aussi rapide a été rendue possible grâce à la nouvelle loi immigration, adoptée en décembre. Ce vendredi 23 février, les spécialistes du droit des étrangers ont qualifié cette affirmation comme fausse.
Selon la loi, un étranger qui bénéficie d’une protection quasi absolue, parce qu’il réside depuis plus de vingt ans sur le territoire et parce qu’il a des liens privés et familiaux en France, peut perdre cette protection dans certaines circonstances. Mais cela était le cas bien avant la loi, promulguée il y a moins d’un mois.
La rapidité de la procédure n’est pas nouvelle non plus. Elle est possible quand un ministre de l’Intérieur juge qu’il y a urgence absolue à éloigner un étranger. « L’utilisation de l’urgence absolue a permis à Gérald Darmanin d’éviter tout débat contradictoire et toute saisine d’un juge », continue l’avocat.
L’avocat de l’imam va maintenant saisir le tribunal administratif pour tenter de suspendre l’arrêté d’expulsion et faire revenir son client en France, mais aussi pour obtenir un examen au fond de cette affaire.
Il y a un an et demi, c’est dans les mêmes conditions que le ministre de l’Intérieur avait obtenu l’expulsion de l’imam marocain Hassan Iquioussen. Ce dernier se défendra lundi devant la justice.
Drapeau satanique
La polémique autour de cet imam d’origine tunisienne a éclaté dimanche dernier après la publication sur les réseaux sociaux d’une vidéo de prêches considérés par les autorités françaises comme des « appels à la haine ». Dedans, il y qualifie le « drapeau tricolore » – sans préciser s’il s’agissait du drapeau français – de « drapeau satanique ». Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait alors demandé le retrait de son titre de séjour.
De son côté, Mahjoub Mahjoubi s’est défendu dans la presse, expliquant avoir fait un lapsus sur cette fameuse vidéo. Il affirme avoir voulu dire drapeau multicolore et non tricolore. Mais selon le préfet du Gard, Jérôme Bonet, rapporte RFI, l’imam serait suivi depuis plusieurs mois par les autorités françaises. C’est ce suivi qui a justifié la réaction du ministre de l’Intérieur, constatant des « dérives » dans plusieurs prêches récents de l’imam.
Installé en France depuis le milieu des années 1980, marié et père de quatre enfants, Mahjoub Mahjoubi était en effet depuis plusieurs jours dans la ligne de mire de Gérald Darmanin.