Le jusqu’au boutisme qui habite nos dirigeants politiques et les acteurs de la société civile, au moment où le pays traverse la plus grave crise politique, économique et sociale de son histoire, interloque et sidère. Le blocage de la situation depuis presque un mois et demi, la paralysie des institutions et le spectre d’une banqueroute ne semblent pas susciter un sursaut chez tous les acteurs politiques économiques et sociaux sur la mesure du désastre qui nous attend.
Alors que la situation aurait dû être le déclencheur d’une union sacrée de tous les tunisiens-afin d’arrêter cette spirale infernale et cette fuite en avant qui ne peut nous guider que vers l’anarchie et la fragilisation des fondements de la jeune démocratie- l’on enregistre, non sans stupeur, un campement des trois présidents (République, gouvernement et ARP) sur leurs positions, leur aversion à tout dialogue et leur attitude inflexible à tout dénouement aux moindres frais de la crise.
Refus de toute solution au moment où le pays collectionne les revers, les retards, les contre-performances et l’accentuation des tensions et des divisions.
Face au cataclysme qui sonne à nos portes, on continue à agir comme si de rien n’était. On continue une guerre sans fin, dont personne ne sortira vainqueur et qui ne pourra que nous plonger davantage dans les abysses du désordre et de l’incohérence.
Inconscience générale des défis et fuite en avant qui se déclinent à travers l’option pour des pistes glissantes qui participent à creuser les sillons de la discorde, de la suspicion et à altérer la confiance.
Paradoxalement, au moment où on ne cesse de faire les yeux doux aux bailleurs de fonds internationaux pour qu’ils nous viennent en aide et les pays partenaires à nous sauver d’un désastre inévitable, on refuse toujours de regarder la réalité en face, d’assumer nos responsabilités et de nous sauver de nos propres caprices et errements.
Alors que nos présupposés sauveurs nous poussent à nous concerter, à nous mettre autour d’une même table pour fixer une feuille de route consensuelle, à engager des réformes essentielles pour éviter le scénario libanais, on se complaît dans le statu quo, dans les divisions et les querelles fratricides.
Les experts les plus avertis perdent tous les repères devant la complexité du cas tunisien et de l’enchevêtrement des pistes pouvant conduire à une sortie de crise. On est au creux de la vague et on se débat contre des vagues rebelles pour chercher une bouée de sauvetage et, bizarrement, on continue à tourner le dos à toute solution qui pourrait nous éviter le pire, l’irréparable.
On refuse d’enterrer la hache de guerre ne serait-ce que momentanément pour vaquer à des urgences. Pour nous concentrer et nous concerter sur des questions existentielles. Au moment où partenaires et bailleurs de fonds nous tendent la perche pour pouvoir rebondir en nous indiquant les prérequis à satisfaire. Les conditions indispensables pour que le pays retrouve les chemins du travail, de la production et de la stabilité. Leur disposition à nous aider ne peut avoir un sens et une efficacité que si l’on parvient à prendre conscience de l’impératif de s’entendre, d’accepter nos différences, de concevoir une feuille de route sur les priorités de la prochaine étape et sur les réformes à engager sans plus tarder et de prendre en ligne de compte la portée, pour un pays divisé et à la croisée des chemins, du compromis. Une carte qui offre à tout le monde une porte de sortie honorable, car elle place l’intérêt du pays au-dessus de toute autre considération politicienne, de tout calcul partisan.
Peuvent-ils venir à notre secours au moment où l’on ne cesse de s’écharper en public, de poursuivre une œuvre de destruction massive de tous les acquis que le pays est parvenu à engranger depuis plus de 60 ans, d’altérer l’image de marque de la Tunisie, de plus en plus perçue comme un pays à risque et où il est préférable de ne plus y investir ou d’entreprendre des affaires ?
Comment, avec ce déficit d’image et au regard d’une gestion apocalyptique des affaires publiques, pourrait-on combler le trou béant du budget de l’État 2021 dans la toute impossibilité de sortir sur les marchés financiers internationaux ?