Le malaise fait par l’ancien Président du gouvernement Habib Essid, en pleine retransmission en direct d’une émission politique sur la la chaîne d’infos arabophone France 24, pose en fait, au-delà de son aspect regrettable pour cet homme aussi respecté que respectable, la question de la capacité des citoyens tunisiens à se porter mutuellement les premiers secours.
Dans un pays comme le nôtre, qui bat des records en matière d’accidents domestiques et de circulation routière, combien de vies pourrait-on sauver à chaque fois grâce à des gestes simples et faciles à apprendre?
En l’année 2018 la Tunisie a enregistré 5877 accidents de circulation qui ont fait 1205 décès et 8869 blessés. C’est là une moyenne ordinaire, même si le nombre des morts sur la route a légèrement baissé depuis. Mais la question est: combien de vies aura-t-on pu sauver parmi les 1205 victimes décédées? La réponse, c’est un expert en sauvetage humain qui nous la donne: le un tiers au moins, affirme-il, soit 400 vies, si et si seulement les témoins présents sur les lieux des accidents savaient pratiquer les premiers gestes de secours et les apporter aux accidentés.
Certes les premiers secours ne concernent pas que les accidents de la routes. Ils peuvent aussi intéresser des victimes de détresse psychologique, et intervenir lors de catastrophes naturelles. Dans tous les cas cela s’apprend. Cela s’apprend, évidemment, dans l’institution scolaire, de l’école primaire au lycée. Et cela devrait être obligatoire. C’est aujourd’hui une nécessité impérieuse. C’est une œuvre de salut public.
C’est, enfin, un acte de citoyenneté. On a vu comment notre peuple- la femme en tête -a vite développé une vraie et précieuse culture sur la Covid-19 qui a permis de limiter les dégâts de cette terrible pandémie, et ce malgré le peu de moyens existants et une organisation par trop hésitante, et des médias plus enclins à faire dans le sensationnel et le catastrophisme que dans l’information et la pédagogie.
En matière de secourisme cela devrait être la même chose: faire confiance à la capacité du Tunisien d’apprendre vite et de transmettre assurément la connaissance et la pratique des premiers secours comme une culture spécifique d’un pays qui ne peut tolérer de voir ses citoyens mourir dans l’ignorance et l’indifférence parce que on ne leur a pas appris les petits gestes simples qui sauvent. C’est donc aux autorités sanitaires, aux institutions scolaires, et autre société civile de s’y mettre et de conjuguer leurs efforts.
L’accident dont a été victime l’ancien président du gouvernement devant des journalistes chevronnés ne devrait pas passer comme un accident justement passager.