Un entretien téléphonique entre les présidents Saied et Macron a donné lieu à deux communiqués de presse profondément différents. Pour certains Tunisiens, c’est le retour de la vieille pratique de la manipulation de l’information.
C’est du jamais vu dans la tradition diplomatique pourtant bien ancienne et bien établie dans notre pays !
Et il a fallu, en plus, que ça tombe avec notre premier partenaire et vieille amie La France, un pays que l’on sait, par ailleurs à cheval sur les valeurs et pratiques diplomatiques !
De quoi s’agit-il ?
Suite à une communication téléphonique entre les présidents Kais Saied et son homologue Emmanuel Macron, la présidence tunisienne a publié un communiqué de presse dans la pure tradition de la langue de bois. Vous avez beau lire et relire, vous n’en tirez rien qui vous instruise vraiment sur la situation des relations entre les deux pays qui traversent, chacun selon leur réalité spécifique et toutes proportions gardées, des moments particulièrement difficiles et sensibles. Le communiqué fait la part belle aux sentiments du Président Saied qui exprime au Président Français d’abord sa satisfaction concernant la situation sanitaire en rapport avec le Covid-19, et qui est en nette amélioration, avant de souligner ensuite ses regrets suite à la décision de réduire le nombre des visas accordés aux Tunisiens voulant se rendre en France. Le communiqué ajoute que le Président Français a affirmé que cette « décision pourrait être révisée »
ERREUR OU FAUTE
On était donc satisfaits, heureux presque, jusqu’à ce que …Patatras : la présidence française publie un communiqué sur la même entrevue téléphonique qui diffère de celui de la présidence tunisienne, et dans lequel il est dit notamment que le Président Français « a exprimé son attachement à la mise en place d’un dialogue associant les différentes composantes de la population tunisienne sur les réformes institutionnelles envisagées ». Le communiqué ajoute « que le Président Saied a indiqué que le gouvernement serait formé dans les prochains jours et qu’un dialogue national serait lancé dans la foulée ». Or ce point pourtant essentiel dans le communiqué de l’Elysée ne figure pas dans le communiqué de Carthage et est passé carrément sous silence.
Pourquoi ?
Est-ce une erreur due à manque d’inattention, et donc de compétence, imputée à un service de presse inexistant ou flagorneur et complaisant à l’égard de son patron, locataire de Carthage, et qui a fini par le desservir en voulant par trop le servir ? Ou est-ce une faute intentionnelle et voulue dans le but de cacher une part de vérité, la part la plus importante ?
QUI VEUT TERNIR L’IMAGE DU PRÉSIDENT ?
Quelle que soit la réponse, elle soulève une autre question, plus grave encore celle-ci : pourquoi le Président Saied, qui a indubitablement lu le communiqué avant sa publication et l’a validé, a accepté que cette information soit tue ou omise ? A-t-il eu peur d’annoncer aux Tunisiens l’organisation de ce dialogue national de crainte de se déjuger après avoir auparavant, aussi bien avant qu’après 25 juillet, refusé toute idée de concertation et opposé une fin de non-recevoir à l’initiative de dialogue national proposé depuis mars dernier par l’Ugtt ? Ou a-t-il tout simplement voulu mener en bateau son homologue français et se montrer complaisant à son égard en lui disant oui pour signifier non, sachant qu’en fait il n’a aucune volonté réelle de dialoguer avec qui que ce soit ? Nous ne pouvons nous résoudre à le croire.
Mais le plus grave dans toute cette affaire-car c’en est une-et l’on se sent tout d’un coup projeté…dans nos pires cauchemars d’une communication officielle de propagande complètement discréditée et des médias verrouillés et à la solde du pouvoir.
Si les services de presse de la présidence se sont cru futés en gardant sous le coude une information qui leur paraît « gênante », ils font en fait preuve d’une crédulité terrible parce tout se sait dans notre monde d’aujourd’hui et les conséquences de ce genre de bourdes sont lourdes et dévastatrices. Outre qu’elles installent une méfiance entre le Président et ses homologues dans le monde, elles finissent par l’affaiblir à l’intérieur de son propre pays et face à son opinion publique qui se lassera très vite de ces petites manœuvres de ces apprentis manipulateurs.
Voudrait-on ternir l’image du Chef de l’Etat, que l’on ne se serait pas pris autrement.