Le fondateur et chef historique du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan a demandé jeudi au mouvement armé de se dissoudre et de déposer les armes après quatre décennies de guerilla. «Tous les groupes doivent déposer les armes et le PKK doit se dissoudre», a ordonné M. Öcalan dans une déclaration lue par des députés kurdes qui lui ont rendu visite jeudi dans sa prison au large d’Istanbul. Le leader kurde dit «assumer la responsabilité historique de cet appel».
Son message, attendu depuis des semaines, a été lu en kurde puis en turc devant une foule compacte de journalistes réunis dans un hôtel du centre d’Istanbul, devant une large photo montrant le chef historique du PKK, les cheveux blanchis, une feuille blanche en main. Une délégation du parti prokurde DEM s’était entretenue pendant trois heures jeudi matin avec Abdullah Öcalan, détenu à l’isolement depuis 26 ans.
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Abdulah Öcalan, 75 ans, avait exprimé lors de précédentes rencontres avec des députés prokurdes sa «détermination» à tourner la page de la lutte armée. «Si les conditions se présentent, j’ai le pouvoir théorique et pratique de transférer le conflit du terrain de la violence au terrain juridique et politique», avait-il assuré fin octobre à l’un de ses interlocuteurs.
Ses deux précédents appels à la trêve, au début des années 2000 puis en 2013, avaient fait long feu, cédant la place à des flambées de violence.
Incertitude sur la réponse des combattants du PKK
Le président Recep Tayyip Erdogan, qui s’est peu exprimé sur le sujet, a confirmé à plusieurs reprises la politique de «la main tendue aux frères kurdes», qui constituent la principale minorité de Turquie (20% de la population environ), tout en accentuant la pression sur l’opposition, en particulier sur le parti DEM, dont dix maires ont été démis de leurs fonctions depuis leur élection l’an dernier.
C’est le cas du populaire maire de Mardin (sud-est) et figure du mouvement kurde, Ahmet Türk, 82 ans, qui s’est rendu jeudi à Imrali et a lu le message d’Abdullah Öcalan en kurde. Des vagues d’arrestations ont été conduites contre des centaines de personnes – militants politiques, élus, artistes, journalistes – accusées de «terrorisme».
Cependant, et en dépit du charisme intact d’«Apo» Öcalan, une vaste incertitude pèse sur la réponse des combattants du PKK, pour la plupart repliés dans les montagnes de la région de Qandil, dans le nord de l’Irak. «Ils peuvent arguer qu’Öcalan étant détenu, sa parole n’est pas libre et continuer le combat», redoute un diplomate occidental qui prédit alors une riposte militaire immédiate d’Ankara.
La Turquie accuse aussi le PKK de combattre dans le nord-est de la Syrie au côté des Forces démocratiques syriennes (FDS). Or les FDS sont soutenues par les Etats-Unis au nom de la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique. Et nul ne connait à ce stade les intentions de Washington, qui maintient des forces sur place, relève l’historien Hamit Bozarslan, de l’EHESS à Paris: «c’est la clé», soutient-il.
Le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan a appelé à plusieurs reprises les nouvelles autorités de Damas, alliées d’Ankara, à expulser «les combattants non syriens» issus du PKK. «Ce n’est pas seulement une menace pour notre sécurité, mais pour la région entière», a-t-il estimé.