Qui sera présent demain à Istanbul ou Ankara pour discuter de la guerre en Ukraine ? Impossible de le dire à l’heure où ces lignes sont écrites. Depuis quelques jours, on va de proposition en contre-proposition, on joue une partie de poker menteur pour mettre l’autre en porte-à-faux, en ennemi de la paix.
A l’exigence de Trump d’un cessez-le-feu inconditionnel de trente jours sous peine de sanctions, Poutine a répliqué par une proposition de négociations directes avec l’Ukraine le 15 mai à Istanbul qui aboutirait, ou non, à un cessez-le-feu. Oubliant pour un temps ses menaces, le président américain sommait Kiev d’ « accepter immédiatement ». Saisissant la balle au bon, Volodymyr Zelensky annonçait qu’il sera bien à Istanbul pour rencontrer Vladimir Poutine. Lui et pas un autre.
Pour donner davantage de poids à la rencontre, il priait Trump de venir également. Possible, laisse entendre l’Américain, à condition que Poutine soit bien présent. Mais il envoie en Turquie son secrétaire d’Etat Rubio et ses émissaires Kellogg et Witkoff. Le Russe, lui, se tait. Ce matin, son porte-parole Dmitri Peskov s’est borné à dire que « la partie russe continue de se préparer aux négociations à Istanbul » et que « le Kremlin annoncera qui représentera la Russie dans les négociations avec l’Ukraine dès que Poutine le jugera nécessaire ». Le président brésilien Lula s’efforce de convaincre son ami d’y aller, mais on pense plutôt que le Kremlin déléguera Lavrov et son conseiller Oukachov.
Alors, se pose une double question: Zelensky acceptera-t-il de leur parler et, s’il refuse, Trump se retournera-t-il contre lui ?
L’Américain a beau se montrer de plus en plus critique envers le Russe, il ne souhaite pas se fâcher avec lui afin de conclure des affaires demain. Et vice-versa. Cependant, la menace de sanctions pèsera demain à Istanbul. Les ambassadeurs des 27 de l’UE ont déjà approuvé un 17e « paquet » de sanctions qui cible de nouveaux pétroliers « fantômes » utilisés pour contourner les sanctions déjà existantes, destinées à limiter les exportations de pétrole russe. D’autres, « massives », sont en préparation et des Européens vont rencontrer demain à Istanbul le sénateur républicain Lindsey Graham, qui, indique le ministre français des Affaires étrangères « a conçu un paquet de sanctions extrêmement puissantes, avec des droits de douane de 500 % sur les importations de pétrole russe et de 500 % sur les pays qui aujourd’hui continuent d’importer du pétrole russe ». « C’est une manière de prendre la Russie à la gorge », estime-t-il.
Au fond, la pensée dominante reste inchangée côté occidental: la Russie n’envisage pas réellement d’arrêter les combats et veut atteindre ses objectifs de guerre, qui vont jusqu’à la capitulation complète de l’Ukraine et l’élimination de Zelensky.