Ce que le président Kaïs Saïd a fait n’a qu’un nom: un coup d’Etat.
C’est un coup d’Etat qui renverse les institutions constitutionnelles et légales de l’Etat en usant des dispositions exceptionnelles d’une Constitution qu’il n’a eu de cesse de contester en la taxant d’être faite sur mesure pour certaines formations politiques.
Il est vrai que la situation économique et sociale du pays est des plus difficiles. Que le chômage ne cesse d’augmenter laissant des milliers de jeunes, souvent diplômés, sur le carreau. Que la cherté de la vie est devenue impossible. Et que, pour ne rien arranger, la pandémie de coronavirus, mal gérée par le gouvernement, a causé un véritable ravage au sein de la population en coûtant la vie à des centaines personnes. Tout cela trouvait écho dans la rue. Une rue remontée depuis un certain temps par des appels à la rébellion et où le rôle incitateur joué par des groupes enrôlés à l’intérieur, ainsi que par des forces étrangères gênées par la naissance d’une démocratie dans un pays arabe et musulman, est évident et manifeste.
Kaïs Saïd a-t-il cédé à la rue? Cela ne fait aucun doute.
Son recours à l’article 80 de la Constitution est injustifié.
D’abord parce qu’il n’y a pas de « danger imminent »qui menace le pays, et le dialogue, qu’il a du reste clairement refusé à l’UGTT, est encore possible et en mesure de trouver les solutions aux problèmes du pays.
Ensuite parce que ce recours à l’article 80 que le président Saïd ne dit pas expressément appliquer, est utilisé partiellement à défaut de tout autre avis et notamment de l’Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi(IPCCPL), en l’absence de la Cour constitutionnelle dont Saïd a lui-même empêché l’installation.
Enfin, et quelles que soient les raisons qui puissent être évoquées pour justifier les décisions prises en ce soir du 25 juillet, cela reste un coup d’Etat qui perturbe le processus démocratique, met en péril la marche légale et normale des institutions de l’Etat, et menace dans le même temps la paix et la stabilité dans le pays.
Deux vérités méritent d’être rappelées ici au président Saïd:
La première est que lorsqu’on cède à la rue, on la tient plus après. C’est le populisme et c’est l’ennemi mortel de toute vraie politique rationnelle.
La seconde est que jamais un coup d’Etat n’a apporté la liberté ou la démocratie. Encore moins le bonheur.
Il faut le dire: Kaïs Saïd vient de tomber dans le pire des pièges: celui de l’aventure politique. Ses décisions malencontreuses le mettent dans une situation peu enviable. Les coups de klaxon et les quelques you you de femmes ne doivent pas le tromper. Ces manifestations de joie spontanées ou répétées passent vite et la vérité demeure: c’est un coup d’Etat.
Est-il déjà trop tard pour rectifier le tir?
Nous pensons qu’il est encore possible de rattraper cet acte malheureux avant que l’irrémédiable ne soit commis. Le retour à l’avis de l’Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité, est une première piste possible pour sauver la situation. La consultation des personnalités ayant autorité morale dont les anciens présidents de la république, chefs de gouvernement et anciens premiers ministres, anciens que des personnalités politiques reconnues, est une seconde piste qui pourrait s’avérer d’un apport utile pour éviter de s’enfoncer dans le tunnel de l’inconnu où cette aventure nous engage.
Il faut agir vite et ouvrir le dialogue .Plus tard, ce sera trop tard.