par Abbou Islam Mustapha*
« Toute société est une société morale », disait Durkheim. On comprend ici l’obligation faite à l’individu de se considérer comme partie du tout. Nous sommes donc naturellement sociables selon Ibn Khaldoun, c’est-à dire interdépendants et solidaires. Mais les hommes ne sont pas de facto solidaires. Il faut qu’ils veuillent l’être pour que la société fonctionne bien.
La volonté d’être solidaires les uns des autres dans une société démocratique exige la confiance. Il ne peut y avoir de démocratie sans la confiance qui permette l’expression de la critique. Seul le débat continu et ouvert est capable de consolider la confiance du citoyen dans les institutions et, paradoxalement et dans le même temps, d’œuvrer sans cesse à la rénovation de ces institutions et de les remplacer quand elles deviennent déficientes.
C’est dans ce cadre que les décisions du 25 juillet dernier peuvent être perçues, c’est à dire comme une tentative de rénovation institutionnelle qui, si elle sait s’accompagner d’un débat serein et responsable, pourrait produire cette confiance citoyenne nécessaire à la consolidation de la démocratie et à la remise du pays sur les rails de la stabilité et du progrès.
Observateur de la vie politique depuis la révolution de 2011, il me paraît désormais indispensable pour une sortie réelle de la crise qui prévaut depuis la proclamation de la nouvelle Constitution et qui frappe les institutions de la république d’une quasi-paralysie, de proposer ces quelques idées et de les soumettre à un débat que j’espère voir s’installer dans les cercles publics et sur les plateaux de nos radios et télévisions étouffées par une vague jamais vue auparavant de médiocrité et de superficialité.
Le retour au système bicaméral qu’on a jeté au lendemain de la révolution comme on jette le bébé avec l’eau du bain, me semble utile voire indispensable pour créer l’équilibre, apporter la pondération et mettre fin aux dérives de toutes sortes.
Une chambre basse avec 121 députés représentant 12 millions de citoyens serait acceptable. Des députés élus au scrutin nominal à deux tours avec droits et devoirs clairs et connus de tous, aideraient à enraciner le rôle du représentant du peuple dans la pratique démocratique nationale.
On pourrait envisager un sénat composé de 35 à 45 membres représentant les grandes villes.
Seul le président de la république devrait être élu au suffrage universel direct à deux tours pour un quinquennat renouvelable une seule fois.Il nomme le premier ministre et met fin à ses fonctions. Celui-ci dirige un gouvernement ne dépassant pas 25 ministres.
Un taux de 10% des députés élus à la proportionnelle pour permettre aux minorités qui commencent à être visibles dans le paysage politique d’être représentées.
Un seuil de 5% minimum devrait être fixé en dessous duquel les frais de campagne ne sont pas remboursés. Les élus sur des listes minoritaires devraient fusionner en un seul bloc, permettant ainsi l’émergence d’une scène parlementaire dans laquelle la majorité gouverne et la minorité s’oppose.
Le mandat du député devrait être gardé à 5 ans, celui du sénateur à 6 ans.
Le redécoupage du territoire en 5 ou 7 régions (aqualim) donnant sur la mer avec dans le même temps une réduction substantielle du nombre des délégués et des gouverneurs, me paraît indispensable pour envisager une justice régionale réelle efficace et solidaire.
Discuter, débattre, échanger. La Tunisie vit un moment exceptionnel. Faisons en une chance pour rénover nos institutions loin des querelles partisanes stériles.
*Conseiller économique et social. Activiste associatif.