
Par Sayda BEN ZINEB
Le jour de projection (le 19 septembre) à la Cité de la Culture du film documentaire, « Les bâtisseurs de l’Alhambra » d’Isabel Fernandez, on a dû refouler pour manque de places, un bon nombre de cinéphiles en quête d’images fortes. Devant une salle comble, les organisateurs ont annoncé une deuxième projection programmée le lundi 25 septembre à la même heure et à la même salle. L’enjeu est de taille puisque « Les bâtisseurs de l’Alhambra » a reçu 15 nominations pour les Prix Goya.
L’initiative est à saluer vu le choix de l’œuvre et de son auteur. Elle émane de l’Institut Cervantès et de l’Ambassade d’Espagne à Tunis, en collaboration avec le Centre National Tunisien du Cinéma et de l’Image (CNCI), qui nous ont proposé un long métrage (sorti en Espagne en novembre 2022), qui a connu un engouement sans pareil auprès du public dans son pays d’origine mais aussi dans les pays arabes où il a été projeté. Le débat qui a suivi le film en présence de la réalisatrice Isabel Fernandez et du journaliste Hatem Bourial, a été des plus fructueux.

Une grande rigueur historique
« Les bâtisseurs de l’Alhambra » est une fiction relatant des faits historiques tout en les appuyant de témoignages de spécialistes de l’histoire andalouse, filmés à l’image des documentaires. Le film jouit, par ailleurs, d’une grande rigueur historique et informative en raison de la contribution scientifique des universitaires qui ont participé au projet : Adela Fabregas, Amalia Zomeno, José Miguel Puerta Vílchez, Josef Zenka, Julie Marquer, Jesus Bermudez, Elena Correa, Rafael Perez Gomez et Julia Maria Carabaza. En même temps, il dégage une grande sensibilité teintée de respect vis-à-vis des gens d’Al Andalous, comme l’a déclaré Isabel Fernandez devant le public présent ; « l’objectif était de découvrir l’histoire humaine qui entoure l’Alhambra ». Aussi s’agit-il d’un projet ambitieux auquel il a fallu plus de sept années de travail pour le voir se concrétiser et devenir une œuvre digne des grandes productions.
Pour défier l’oubli

Sachant que son royaume de Grenade assiégé est voué à disparaître face à l’avancée des royaumes voisins, Youssef 1er sultan de Grenade, (dynastie nasride, la dernière dynastie musulmane d’Espagne 1232-1492), se lance dans la construction d’un édifice qui reflètera la splendeur de sa civilisation et défiera l’oubli : les palais de l’Alhambra. Son vizir, Ibn Al-Khatib, poète et génie avant l’heure qui a marqué de son empreinte la vie politique et artistique de son époque, participe à ce défi colossal et le consigne dans sa chronique.
Campé ici par l’acteur égyptien Amr Wakad, Ibn Al-Khatib était un homme hors pair. Dans ses écrits, il cultiva aussi bien la poésie que la philosophie, l’histoire et la médecine. Luiqui a occupé les fonctions de vizir était la tête pensante durant le règne de Youssef 1er puis son fils Mohamed V. Il fut accusé d’hérésie (pour avoir défié le sultan Mohamed V), et étranglé par son disciple Ibn Zamrak qui lui succéda dans les fonctions de vizir.
« Les bâtisseurs de l’Alhambra » est un film poignant rempli d’humanité car il permet une immersion dans l’espace et le temps, à la découverte du génie scientifique, spirituel et artistique de l’Andalousie à travers le majestueux palais d’Al Hambra à Grenade.
A propos d’Isabel Fernandez
Productrice, scénariste et réalisatrice indépendante basée à Barcelone, Isabel Fernandez est l’auteure de documentaires qui ont été diffusés par les principales chaînes de télévision publiques européennes. Son long métrage « El fill de son pare » (2010) a reçu une mention spéciale du jury du Prix Europa. Son film « Corredors de fons » (2014) a reçu le prix du meilleur réalisateur au Festival international du film d’Aljazeera et le prix du meilleur scénario à l’Europe-Orient du film documentaire, à Asilah, Maroc.
Son court métrage documentaire « The Neighbour » (2015) a remporté le prix des libertés publiques et des droits de l’Homme au Festival international du film documentaire d’Aljazeera.