Vous connaissez sans doute Winnie l’ourson, les Chinois, non. Le petit personnage est censuré des réseaux sociaux en juillet 2017. Et il n’est pas le seul. Une championne de tennis, Peng Shuai, qui accusait un ancien haut dirigeant de l’avoir violée, vient de disparaître de Weibo, le Twitter chinois. Zhao Wei, actrice milliardaire, a été effacée en août dans le cadre de la campagne contre les célébrités « toxiques ». Nul autre que Xi Jinping ne mérite d’être admiré. De l’école primaire à l’université, la « pensée Xi Jinping » est enseignée et étudiée. Depuis 2017, elle est inscrite dans la constitution sous le titre « La pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère ». Un culte de la personnalité sans précédent depuis Mao dont il se veut au moins l’égal.
Ce matin, le plénum du comité central a adopté une résolution de Xi qui interprète l’histoire à sa façon et vante les grandes réussites du parti et la nouvelle ère ouverte par ce leader dont la pensée « est la quintessence de la culture et de l’âme chinoises ». Un texte dithyrambique qui élève la stature du dirigeant de 68 ans qui veut briguer, l’an prochain, un troisième mandat après avoir fait supprimer la décision de Deng Xiaoping de n’en faire que deux.
Dès son arrivée au pouvoir en 2012-2013, le « prince rouge » fils de Zhongxun, proche compagnon de Mao écarté lors de la révolution culturelle et réhabilité par Deng, a œuvré pour affirmer son pouvoir et évincer tous ses potentiels rivaux. La lutte nécessaire et bienvenue contre la corruption lui a permis à la fois de satisfaire le peuple et de sanctionner tous ceux qui dénonçaient une dérive autoritaire. En 2018, on estimait à 1,5 million le nombre des sanctionnés. Entre février 2020 et juillet 2021, ce sont 178 431 cadres qui ont été frappés. Ces protestataires peuvent finir dans les « prisons noires », disparaître purement et simplement. Aujourd’hui, Xi Jinping incarne l’autoritarisme absolu. Une certaine opposition au sommet existe toujours, Xi a dû reculer sur la taxe foncière qu’il voulait imposer, mais les cadres se taisent, ont peur, obéissent. Ils savent que le maître exige d’eux « loyauté absolue, pureté absolue, fiabilité absolue ».Personne au-dessus de lui et sus aux trop riches au nom de la « prospérité commune », son nouveau slogan. Jusqu’à quand Xi peut-il dominer son pays. Intellectuel engagé, Xu Zhang Run, 59 ans, a publié en août dernier un essai critique « Alerte virale » dans lequel il annonce « les premiers signes de l’effondrement du régime », lequel « régime totalitaire, qui fait mine d’être tout-puissant, est en réalité impuissant », au risque de devenir « un géant boiteux ». La chute n’est pas pour l’instant prévisible, mais elle peut survenir à cause de Taïwan. Si Xi Jinping attaque l’île nationaliste et fait face à une trop forte résistance, les opposants peuvent se réveiller…