Peut-on croire que l’adoption au forceps, le 10 décembre dernier, de la loi de finances 2021 allait tout résoudre ? Il serait illusoire de croire qu’au terme de ces contractions particulièrement douloureuses et de marchandages kafkaïens auxquels se sont livrés les élus de la nation, le pays allait retrouver les pistes qui lui permettent d’apaiser les tensions et de résoudre toutes les pressions financières qui nous hantent.
Ce n’est certainement pas par une baguette magique que l’on va résoudre en 2021 le problème crucial des finances publiques, ni du poids de la dette extérieur, qui atteint des pics sans précédents, et encore moins le déficit abyssal des entreprises publiques qui menacent aujourd’hui leur pérennité.
Dans ce climat d’incertitude et d’affaiblissement extrême de l’Etat, ce n’est assurément pas avec les mêmes méthodes, la même improvisation et le même type de gouvernance qu’on l’on pourrait espérer une quelconque éclaircie, un apaisement qui serait annonceur d’un véritable redémarrage de l’activité économique.
Dans ce cafouillis, qui sera en mesure donner le déclic annonciateur du retour des moteurs de la croissance, en panne depuis maintenant une belle lurette (phosphate, pétrole..), de la restauration de la confiance des opérateurs, de l’amélioration de l’environnement des affaires et de l’instauration d’une trêve sociale ? a l’évidence, après plus de cent jours d’activité, le gouvernement de Hichem Mechichi peine à donner encore le bon tempo, le bon signal qui révélerait sa détermination à mettre un terme, une fois pour toutes, à une longue période d’inertie, d’attentisme et d’improvisation. La gestion calamiteuse du dossier El Kamour l’a gravement fragilisé, son incapacité à contenir les mouvements sociaux qui ont éclaté un peu partout dans les régions l’ont davantage affaibli et les dissensions politiques qui divisent les trois têtes du pouvoir pourraient précipiter sa chute.
Manifestement avec les effets catastrophiques de l’épidémie du COVID-19, le pays est en train de plonger dans l’inconnu. A la crise des finances publiques, au risque d’effondrement de pans entiers de l’économie tunisienne, à la situation catastrophique des entreprises publiques qui caracolent un déficit abyssal, à l’endettement extérieur qui avoisine les 90% du PIB, on décèle l’absence d’une véritable stratégie de relance et d’un consensus national sur les réformes à entreprendre dans l’immédiat. Ce situation pour le moins peu enviable laisse courir le pays inexorablement vers la banque route et une crise sociale aux conséquences imprévisibles. Paradoxalement, C’est qui fait le plus défaut, c’est une conscience des défis qui nous guettent, l’absence d’une union sacrée de toutes les forces vives du pays pour faire face à cette situation qui risque de nous mener directement vers un scénario libanais. Ce qui fait peur, en outre, c’est la fuite en avant des forces politiques, des acteurs économiques et des partenaires sociaux qui tournent le dos au péril et continuent d’agir dans le sens qui porte atteinte aux intérêts de la Tunisie et à sa stabilité, son développement et sa sécurité.
Ce qui inquiète enfin c’est l’absence de vision chez le gouvernement qui est en train de gérer au plus pressé, ne daignant pas tenir le langage de la vérité, se montrant toujours incapable de conduire un véritable changement et subissant les pressions qui fusent de tous part avec une léthargie déconcertante.
Aujourd’hui le tableau de bord de l’économie tunisienne n’échappe à personne, mais personne n’est encore en mesure d’arrêter les dégâts, cette chute vertigineuse dans les abîmes de l’inconnu et de l’irrationnel.
Il en résulte pour 2020 une contraction de 8% de l’économie tunisienne, une dette des entreprises publiques garantie par l’Etat s’élève à 15% du PIB et enfin une dette publique de plus en plus peu soutenable frôlant 90% du PIB contre 72,5% en 2019. Manifestement c’est la crise des finances publiques qui pose plus de problèmes. Si en en 2020 on a trouvé une solution à l’arraché pour financer le déficit budgétaire au terme d’un bras de fer entre le gouvernement et la Banque Centrale, l’on se demande par quel artifice le gouvernement utilisera pour mobiliser plus de 13 (milliards de dinars pour financer le budget de 2021, qui s’annonce comme l’année de tous les périls ?
Nejib Ouerghi