Près de 24 millions d’électeurs sont appelés aujourd’hui à élire pour cinq ans les 407 députés de l’Assemblée nationale populaire. Combien seront-ils à glisser un bulletin dans l’urne? Sans doute bien peu. Les observateurs pensent que la participation sera inférieure aux 23,7% du référendum constitutionnel de novembre dernier. Ce pourrait même être une « journée morte » en Kabylie.
Au fond, le pouvoir s’en moque. Le pays reste dirigé par l’oligarchie militaire qui a choisi en Abdelmadjid Tebboune un président civil qui ne lui fait pas d’ombre. Le Hirak, naguère toléré, voire encouragé par le pouvoir, a fini par être perçu comme une menace et les autorités ont suivi leur voie habituelle: répression et emprisonnement… Le pouvoir s’est replié sur lui-même et le Hirak, mouvement populaire sans tête n’a pas été en mesure de se transformer en force politique, d’établir un programme, une plateforme de transition démocratique… Ses idéaux demeurent mais les Algériens ont la tête ailleurs.
Le pouvoir n’est pas vraiment dupe, mais considère ces élections comme un moyen de se donner une certaine légitimité, de dire au monde: l’Algérie change, l’ère de Bouteflika est bel et bien enterrée. Et cela continuera comme avant…
Abdelmadjid Tebboune dit compter sur le peuple et la jeunesse et fait remarquer dans son entretien au Point, au début du mois, que les partis politiques ne représentent pas grand-chose: moins de 800 000 militants pour 45 millions d’Algériens. Il réaffirme qu’il était, à la présidentielle, le candidat du peuple et de la jeunesse. Il oublie que la participation n’a été que de 40% et il exagère en affirmant que la majorité du pays n’est pas opposée aux élections et qu’ « il y a un engouement de la jeunesse pour ces législatives ».
En réalité, le pouvoir sait que les partis traditionnels, le FLN et le RND vont être laminés au profit sans doute de formations plus ou moins ouvertement islamistes, mais pour le président « l’islamisme en tant qu’idéologie, celle qui a tenté de s’imposer au début des années 1990, n’existera plus jamais en Algérie ». Et il lorgne vers la démocratie tunisienne, en faisant semblant d’ignorer qu’Ennahdha n’a renié aucun de ses objectifs mais s’adapte… Tebboune et les militaires comptent beaucoup sur les « indépendants », plus de 12 000 des 23 000 candidats pour obtenir une assemblée malléable et à leur main. Ils sont pratiquement tous favorables au pouvoir qui sait très bien qu’il pourra facilement s’imposer dans une assemblée sans partis forts, sans réelle majorité. Tout au long de la campagne, les candidats ont montré leur faible niveau politique, leur manque de programme et ont surtout « brillé » par des sorties fantaisistes et insolentes comme celle qui décrit les femmes candidates comme des « fraises sélectionnées »…
Les Algériennes et Algériens sont surtout préoccupés par les difficultés grandissantes de la vie de tous les jours, par la crise sociale et économique aggravée par la pandémie: : les finances publiques sont exsangues, avec notamment une chute de 80% des réserves de devises étrangères depuis 2013 et un déclin des revenus énergétiques, principalement pétroliers, ces dernières années. La production agricole est insuffisante, la production industrielle est en baisse et l’armée garde la main sur les importations empêchant le secteur privé de se développer et de faire diminuer les prix. Le dinar est en baisse, l’inflation menace… la paix sociale pourrait être en danger. Le FMI a alerté.
En fin de matinée, après avoir voté, le président Tebboune s’est déclaré « optimiste »: « je pense que nous sommes sur la bonne voie ».