Depuis 1272 en Angleterre – la disparition d’Henry III – et 1422 en France – celle de Charles VI- la phrase traditionnelle est prononcée : le roi est mort, vive le roi. En Grande-Bretagne, cette formule, la reine est morte, vive le roi, va bien plus loin que le protocole. La semaine dernière encore, le prince Charles était le mal aimé de la famille et les Britanniques préféraient que William, 40 ans, succède à sa grand-mère à la place de son père qui va avoir 74 ans. Charles, un homme moqué, une caricature, un original, un excentrique aux manies bizarres – il exigeait par exemple sept œufs à la coque à son petit déjeuner pour être sûr d’en avoir un cuit à son goût- un écologiste convaincu mais pas très moderne. Pouvait-il, était-il capable de monter sur le trône ?
En quelques heures, en parlant avec son cœur, en prenant un bain de foule, serrant des mains à son retour à Londres, le roi Charles III a vite séduit ses sujets. Il ne fait pas l’unanimité, mais il est accueilli favorablement : il fera un bon roi, prendra dignement la suite de sa mère. Avec un certain humour, il se disait champion mondial de l’inauguration des plaques commémoratives. Il est maintenant roi d’un temps qui n’est plus celui d’Elizabeth II.
Il a promis à chacune de ses interventions de se situer dans la continuité mais il devrait faire bouger les choses : le protocole qui date d’un temps où il n’y avait ni radio, ni télévision ni réseaux sociaux ne peut perdurer. Ira-t-il jusqu’à dire plus ou moins haut ce qu’il pense. Le défenseur de l’environnement qu’il est, ne peut être d’accord avec sa Première ministre Liz Truss qui lève l’interdiction de la fracturation hydraulique et se soucie peu du réchauffement climatique. Quatre fois seulement, Elizabeth II a exprimé ce qu’elle pensait et dit « je » , le dernière fois en 2020 à propos du covid. Mais elle savait faire passer un message de manière plus subtil, par exemple un chapeau pouvant évoquer le drapeau européen au moment du Brexit…
Charles III a promis de ne pas faire de politique ? Déjà, en 2018, interrogé sur ce sujet, il avait répondu « je ne suis pas stupide ». Mais , il ne s’était pas interdit d’écrire aux ministres de Tony Blair. Saura-t-il se retenir au moment où son pays vit une grave crise économique et politique. Les jeunes n’apprécient pas l’anachronique chambre des Lords… Roi du présent, lien entre passé et avenir, Charles III ne sera-t-il qu’un roi de transition préparant le règne de William ? S’il a la même longévité que ses parents, il peut rester plus de vingt ans sur le trône et relooker les traditions.
S’il a commencé à gagner le respect, l’affection de ses sujets, comment sera-t-il suivi par la presse dont une partie ne l’aime pas, sera-t-il épargné s’il vient à être un roi qui parle ? Les temps ont changé, la Grande-Bretagne, le monde ne sont plus les mêmes. Peut-on fonctionner de la même manière ? Le premier des Premiers ministres d’Elizabeth II est né un siècle avant – Churchill en 1874- la première Première ministre de Charles III – Liz Truss en 1975.