Par Naoufel BENAISSA
Comment se fait-il qu’aux dernières présidentielles, on a voté pour un candidat qui n’a rien dit, ou presque? Il s’exprime de manière inintelligible et pourtant, il a gagné haut la main; et ne doit rien à personne paraît-il!
Serait-ce un problème de démocratie?
On a longtemps laissé entendre que le problème se situait au niveau de la constitution, de la loi électorale et/ou du système politique. Et maintenant c’est la constitution bannie qu’on défend corps et âme! Le comble est que le Président élu, critiqué autant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger et malgré l’épineuse crise économique, dépasse de loin ses concurrents potentiels dans les sondages.
Faut-il remettre en question la crédibilité et l’utilité de la démocratie en Tunisie?
Une autre question s’impose puisqu’elle se rapporte à l’essence même de la gouvernance : à quoi ressemble le système politique?
Celui adopté en Tunisie après la révolution, qu’on ne saurait nommer, a généré, depuis dix ans, désolation et frustration à une telle échelle, qu’on appelle ici et là à remettre, encore une fois, tout à plat dans un pays déjà à plat. En tout cas, c’est ce que le Président s’attache à faire contre vents et marées. Son argument : le peuple qui m’a élu le veut. Or, depuis son élection, le pays n’a rien connu de probant. Aucun développement n’est réalisé ou sortie de crise envisagée.
Que de récession et des débats et discours stériles et inutiles!
Le Président a même choisi de nommer – à trois reprises – des « non élus », aussi nuls les uns que les autres, pour la gouvernance du pays? En conséquence, le pays connaît depuis une débâcle politique où le peuple a, encore une fois, tout perdu.
Les « politiques », comme à l’accoutumée, s’affichent au nom de partis et de « parti-pris » pour ou contre le Président. Leur argument non-dit est qu’ils préfèrent investir maintenant pour récolter les fruits plus tard en guise de retour sur investissement prévu, voire promis. Semer pour récolter, en quelque sorte.
Le peuple, quant à lui, n’a rien dit car il n’a pas de parti-pris sauf pour la réduction des prix et la qualité de vie.
En réalité, ce peuple malmené et appauvri, milite pour sa survie. Ce peuple, au nom de qui les « politiques » prétendent parler, n’a jamais été à l’écoute des politiques et de leurs partis. C’est pourquoi a-t-il voté pour un Président qui n’a rien dit ou pour des députés qui, pour la plupart, ne disent rien de vrai ou de sensé!
Paradoxalement, dans un pays comme le nôtre où il y a beaucoup à dire, on ne laisse pas s’exprimer les bonnes personnes. On ne laisse pas apparaître ni écouter les compétences utiles. Ainsi, elles s’expatrient et ne restent que des coquilles vides et des ratés bien coiffés!
Quand on risque de crever, et faute de plats sains et de nourriture, on avalerait même de la pourriture… C’est l’instinct de survie.
En réalité, le peuple a espéré l’honneur en se débarrassant d’un dictateur. Il s’est retrouvé dans l’horreur du désespoir.
Un désespoir par la faute d’une classe politique incapable de produire une dynamique d’action, en commençant par l’opposition.
Les insultes et l’hystérie ne peuvent produire des résolutions et apporter des réponses à tant d’attentes et de questions et ce n’est pas la batterie de mesures et d’initiatives prises par le Président qui va servir de feuille de route vers la voie du salut, ni donner un sens à la démocratie dans un pays où tout ce qu’on peut espérer est la survie.