La liberté, l’emploi et la dignité que Bouazizi et consorts ont réclamé lorsqu’ils ont déclenché le fameux printemps arabe à Sidi Bouzid, un certain 17 Décembre 2010, le peuple tunisien n’en a pas perçu suffisamment, voire très peu, si l’on écoute le Tunisien Lamda, dix ans après le déclenchement de la révolte qui a chassé Ben Ali du pouvoir.
Pourtant, plusieurs colorations politiques ont été associées au pouvoir, associant Islamistes aux Laics de tous bords. Mais, la réalité quotidienne laisse les Tunisiens à leur faim, à part le volet libertés, qui n’arrive plus, seul, à satisfaire. Les agissements libres frolent même la sédition.
Au-delà même de l’année 2020, marquée par la pandémie du Covid19 entrainant une récession économique catastrophique de 7,3%, selon les évaluations officielles, le taux de croissance pour les neuf autres années de l’après-Ben Ali a flirté avec le 1%. L’économie n’est pas parvenue à redémarrer, en raison du grippage de ses divers moteurs de développement.
Ainsi, le tourisme a subi les conséquences de la révolution, d’abord, en 2011 / 12 et, ensuite, de l’impact des actions terroristes et la guerre en Libye. Enfin, la pandémie du Covid 19 a mis fin à la reprise observée en 2018/19. Par ailleurs, les gouvernants de l’après-Ben Ali n’arrivent même pas à faire bénéficier la Tunisie de ses richesses naturelles comme le phosphate, le pétrole et le gaz, qui n’ont cessé de subir des grèves.
La Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) est au bord de la faillite, en raison d’une masse salariale qui a quadriplé pour la moitié de la production. La CPG n’est parvenue à produire qu’au plus Quatre Millions de tonnes par an, alors qu’elle en produisait Huit Millions en 2010, pour un nombre d’employés qui a plus que doublé, en passant de 8.000 à 20.000. Pire encore, la Tunisie a importé récemment du phosphate d’Algérie, pour subvenir à ses besoins en engrais chimiques pour la saison agricole.
Même chose pour le pétrole et le gaz, les gisements du Sud n’ont cessé de connaitre des sit-in, comme le fameux Al Qamour, au désert de Tataouine, où les chômeurs ont fermé la vanne de transmission de pétrole pendant 78 jours, privant la Tunisie de près de 300 Millions de dinars.
C’est à la fois un signe de ras-le-bol des chômeurs et de faiblesse de l’Etat, qui ne parvient plus à dresser des barrières infranchissables de sympboles d’intérêt public. Pire encore, la situation ne s’oriente pas vers la stabilisation. 1025 manifestations, 85 % spontanés, ont été recensées en Novembre, en croissance de de 06 % / Octobre. 50 % sont au Sud.
Liberté / Corruption
Cette décennie de l’après-Ben Ali a amélioré certains petits acquis sociaux, comme l’indemnisation des familles démunies, dont le nombre est passé de 90.000 à 260.000. Laquelle allocution a quadriplé, en passant de 45 Dinars à 180 Dinars par Trimestre. Néanmoins, des interrogations accompagnent les listes de personnes, qui bénéficient de soins gratuits, et les critères d’insertion dans ces listes.
Il y a unanimité pour dire que la corruption s’est accrue durant ces années, vu l’atmosphère d’impunité qui ne cesse de s’amplifier dans l’administration publique, de l’avis de tous. Il y a un sentiment que l’aile corrompue de l’administration lutte de tous ses efforts contre la numérisation, qui réduit les opportunités du bakchich.
Malheureusement, l’impunité facilite la tâche de ceux qui mettent des réseaux ou des grues en panne, comme c’est le cas au Port de Rades, détenant le mauvais privilège d’être l’un des pires ports de déchargement en Méditerranée, avec des moyennes pouvant descendre à deux containers par heure.
Concernant les sources de cette atmosphère, la classe politique entière est accusée. Elle n’a cessé de se quereller pour les postes et les privilèges. Et si l’on ajoute le fait que la Tunisie a vu défiler Huit gouvernements depuis le départ de Mohamed Ghannouchi, fin février 2011, cela n’aide pas à installer ni stratégie de développement, ni réformes et l’on se retrouve là où la Tunisie est aujourd’hui.
Près de 100% du PIB de taux d’endettement alors qu’elle était à 40 %, en 2010 ; le taux de Change du Dinar local est passé de 0,52 Euro, en 2010, à 0,317 en 2020, perdant ainsi 40% de sa valeur. Le déficit budgétaire courant avoisine les 10%, en tenant compte des déficits des entreprises publiques, alors qu’il était autour de 03%, en 2010.
La situation socioéconomique est donc déplorable. Elle est à l’origine de plein de contestations populaires légitimes, rappelant les propos de Feu Béji Caid Essebsi, au début de sa présidence en 2015 : « pour réussir la démarche démocratique, il faut un minimum de bien-être ». Et c’est ce minimum de bien-être que la nouvelle Tunisie ne parvient pas, encore, à procurer à la frange démunie de sa population.