Quel rapport entre les Kurdes et l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’organisation de défense des occidentaux qu’est l’Otan ? Rien, sauf pour un homme, Recep Tayyip Erdogan, le sultan d’Istanbul qui ne supporte pas ces Kurdes, les emprisonne et les poursuit partout. Certes, le PKK, Parti des travailleurs kurdes, est classé terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne et a commis des attentats, mais pas le YPG, branche syrienne qui au sein des FDS a vaincu l’Etat islamique avant d’être abandonné par les Occidentaux. Ces Kurdes oubliés de l’histoire, ont pour certains trouvé refuge en Finlande (15 000) et en Suède (70 à 100 000), pays qui ont, avec d’autres en Europe, restreint les ventes d’armes à la Turquie quand elle a envoyé son armée en Syrie en 2019. Un véritable crime aux yeux d’ Erdogan qui se déchaîne et qualifie la Suède de « lieu de nidification pour les organisations terroristes”, oubliant que Stockholm a été le premier pays après la Turquie à désigner le PKK comme organisation terroriste, en 1984.
Ces demandes d’adhésion fournissent une trop belle occasion au maître chanteur turc pour qu’il la rate : « L’OTAN est une entité pour la sécurité, une organisation pour la sécurité. Par conséquent, nous ne pouvons pas dire ‘oui’ à cette organisation de sécurité en étant privés de sécurité ». Personne ne peut croire que la Turquie est menacée, mais l’homme qui fait chanter l’Europe en menaçant de lâcher sur elle des millions de migrants, qui a acheté des missiles russes, qui a joué le Qatar contre l’Arabie Saoudite avant de se rapprocher de Ryad, qui se veut le défenseur des libertés à l’extérieur mais emprisonne ses opposants et bâillonne la presse, qui propage l’idéologie des Frères musulmans en se voulant le grand leader sunnite modéré, cet homme poursuit un but bien précis. Puisqu’il faut l’unanimité pour accueillir un nouveau pays, que l’Otan, les Etats-Unis, la Finlande et la Suède paient le prix qu’il réclame. Le sultan veut ces F 35 que Washington lui refuse pour cause de S 400 russes, veut la levée des sanctions sur les importations d’armes et exige que les deux prétendants, surtout la Suède, lui livrent une trentaine des Kurdes.
Erdogan joue sur tous les tableaux et entend aussi profiter des performances des drones Bayraktar en Ukraine et de son rôle de négociateur-modérateur. En réalité, il n’a qu’un but : sa survie au pouvoir. La Turquie est en crise profonde avec une inflation qui ne cesse de monter, à 70%, il est de plus en plus impopulaire mais il rameute les siens en rêvant d’un nouvel empire ottoman, en accroissant son influence en Afrique. La grandeur de la Turquie et un tour de vis intérieur lui feraient gagner en juin 2023. Il sait qu’il risquerait d’être mis au ban de l’Otan s’il maintenait son veto, mais, avant de céder, il haussera le ton pour obtenir le maximum.