Six mois après la lui avoir soumise par l’Union générale tunisienne de travail(UGTT), le Président de la république « a accepté la mise en œuvre de l’initiative du dialogue national ».
L’annonce a été faite vendredi dernier par Noureddine Tabboubi, Secrétaire général de l’UGTT, à l’issue de l’entretien qu’il a eu avec Kais Said, suite à l’incident de Sidi Hssine au cours duquel un adolescent a été victime de violences policières provoquant les réactions indignées de l’opinion publique. Le Président de la république exploite un événement malheureux pour annoncer enfin qu’il accepte de présider le dialogue, mais à la condition « que tous ceux soupçonnés de corruption en soient exclus», s’est-il hâté de préciser.
Qui sont donc ces suspects de la corruption, pourquoi ne les nomme-t-on pas, qu’est-ce qu’on attend pour les traduire en justice ? Les mêmes questions peuvent être posées concernant le remaniement ministériel, resté tronqué à cause du refus du président Said de la prestation de serment des nouveaux ministres, malgré le vote en leur faveur du Parlement. Là encore le même argument de la suspicion de corruption est invoqué pour justifier ce refus.
Et ce dialogue tant attendu, quand aura- t-il lieu, avec qui, et quelle nature auront ses conclusions : consultative, exécutive, autre ? Aucune date précise n’est donnée, aucun programme de travail n’est proposé, aucune vision claire.
Y a -t-il une volonté de nous maintenir dans l’à peu près, le flou, le vague, l’incertain ? Ou est-ce les réflexes du »bon vieux temps » qui reviennent, et où l’on considérait que l’opinion publique était inapte à recevoir toute l’information ?
Quoi qu’il en soit, il y a aujourd’hui un vrai décalage entre le temps du pays et le temps du Président. Le temps du pays est pressant et urgent. Celui du Président est lent et libre.
En fait depuis son entrée au palais de Carthage, Kais Said est habité par le même désir, celui de s’imposer comme le seul président dans le pays : « il n’y a pas trois présidents en Tunisie, a -t-il encore récemment rappelé à l’adresse du Secrétaire général de l’UGTT, il y en a un seul ».
Pour parvenir à son objectif, le président Said utilise l’outil du TEMPS. Il cherche à en maîtriser la durée et le rythme. Il refuse de subir tout calendrier, il veut imposer le sien. Il parle comme un oracle dans un langage sibyllin que ne puisse comprendre le commun de ses concitoyens. Il veut être « le maître des horloges ». Il veut être le vrai interprète de la Constitution, voire le seul. Il veut, en un mot, être le président d’un régime présidentiel. Ses partisans n’ont de cesse, d’ailleurs, d’appeler à un référendum sur la question.
Mais il y a deux grands écueils devant le président Said.
Le premier est que la Constitution est claire et ne supporte pas une interprétation outre mesure. Le régime politique actuel est un régime quasi-parlementaire et le président de la république, même élu au suffrage universel direct, a un pouvoir limité.
Le second problème est que le temps du pays est le vrai temps réel. Retardé, ralenti, rallongé…,il finit toujours par s’imposer. Le peuple a toujours raison et finit toujours par demander des comptes.
Mohcen Lasmar