En politique, une faute, dit-on, est un crime.
En annonçant sans ciller sa décision de faire vacciner les députés pour assurer la continuité du travail au sein de l’institution législative et pouvoir faire promulguer des lois, Hichem Mechichi vient de commettre sa première grande faute.
Et comme si cela ne suffisait pas, il a ajouté aux députés tous « les cadres supérieurs du pays », tels que les membres du gouvernement, les conseillers, les gouverneurs et les délégués et ce, assure-t-il, pour garantir la continuité de l’Etat.
Pourquoi est-ce une faute?
D’abord parce que ce n’est pas au Chef du gouvernement d’annoncer, une pareille décision qui aurait dû revenir au conseiller de la com, sinon à la porte-parole, tout au plus. Et d’ailleurs pourquoi l’annoncer quand un petit entrefilet dans les journaux aurait suffi ?
C’est une faute parce en l’annonçant lui-même, le Chef du gouvernement, donne à cette mesure un caractère aussi solennel qu’irréprochable puisque émanant de celui qui détient les rênes de l’exécutif dans le pays. Or, cette décision de vacciner une caste nommée avant le reste de la population revient à rétablir un régime de privilèges qui ne saurait être justifié. Et surtout pas par l’argument de la soi-disant principe de la continuité de l’Etat.
Aujourd’hui, ceux qui assurent la continuité de l’Etat tunisien, ce sont l’agriculteur, le boulanger, le transporteur, l’épicier, la caissière du super marché. Ce sont ces millions d’anonymes qui suent par ces temps risqués de pandémie, de chaleur et de jeûne pour que le de la vie continue dans le pays. La révolution, ce sont eux qui l’ont faite, rappelez-vous, pour que finissent les privilèges et les passe-droits, y compris ceux drapés de la légitimité du pouvoir.
C’est une faute ensuite, d’autant plus préjudiciable pour l’image du gouvernement que cette décision est annoncée un Premier mai, fête mondiale du travail et symbole de la lutte des travailleurs pour leurs droits. Les droits sociaux et moraux, y compris le droit d’être vacciné en même temps que le ministre ou son conseiller.
Les conseillers du Chef du gouvernement auraient dû réviser leurs classiques d’histoire pour savoir que rien n’est plus dommageable pour un gouvernant que de donner l’impression de faire une distinction entre les populations dans le but d’accorder ou de refuser des avantages ou des privilèges. Ils auraient peut-être aussi trouvé cette belle phrase du grand Rimbaud: « La main à plume vaut la main à charrue ».
Mohcen Lasmar